Comment la dépression est devenue une épidémie

Philippe Pignarre, La Découverte, Paris, 2001, 192 p., 13 €.

En 1970, cent millions de déprimés étaient recensés dans le monde. Ils sont sans doute un milliard trente ans plus tard. La dépression serait donc devenue une épidémie. Mais de quel genre, se demande Philippe Pignarre ? A mille lieux de réponses convenues sur la société ou les prédispositions individuelles, il propose une enquête minutieuse sur la manière dont ont été inventés les médicaments antidépresseurs, et leur diffusion dans le monde rendue possible.

L'histoire de la psychiatrie moderne commence en 1950, avec la découverte de la première molécule ayant une action psychotrope (la clorpromazine). Toutes les molécules sélectionnées ultérieurement sont issues, par petites évolutions successives, de cet ancêtre. La psychiatrie se distingue de la médecine par l'impossibilité dans laquelle elle est d'identifier un marqueur biologique de la dépression et d'isoler des molécules dont l'efficacité pourrait être testée dans une éprouvette. Seuls sont observables les effets produits par une molécule sur un ensemble de comportements et d'émotions chez l'être humain. C'est cette absence de « témoin fiable » qui permet à l'industrie pharmaceutique d'élargir sans cesse les définitions de la dépression à de nouvelles catégories diagnostiques : anxiodépression, phobie sociale...