« Moi », « Ça », « Surmoi », complexe d’Œdipe, narcissisme, castration, refoulé, inconscient bien sûr, voire inconscient collectif… Autant d’expressions tombées dans le langage courant, sans forcément de détour par un divan. Au fil des décennies, la psychanalyse a ainsi profondément infusé ses concepts dans la pensée contemporaine.
De la révolution thérapeutique à la révolution artistique
Coup de tonnerre dans le ciel de Vienne qui s’ouvre sur les coulisses dérobées de la conscience, au tournant du XXe siècle. « L’idée de l’inconscient existait depuis longtemps, mais n’avait jamais été conçue comme participant à chaque instant de la dynamique psychique et comportementale. Freud a révélé les tempêtes qui se trouvaient dans les abysses. Il a conceptualisé ainsi l’esprit comme une entité bien plus vaste que sa simple frange consciente, et le sujet comme débordant de sa dimension monolithique, avec des conséquences dans tous les domaines de l’existence, artistiques, littéraires, familiaux, juridiques, politiques, etc. » explique Stéphane Sangral, psychiatre et philosophe. La prise en charge des patients en psychiatrie devait aussi en être changée.
En France, dès 1914, les médecins Emmanuel Régis et Angelo Hesnard lui consacrent un essai effectuant la synthèse des théories de Freud. Un étudiant en médecine s’en saisit : André Breton, alors retenu à l’hôpital de Saint-Dizier où arrivent les soldats en état de choc. « Rien ne me frappe tant que les interprétations de ces fous. Mon sort est, instinctivement, de soumettre l’artiste à une épreuve analogue », écrit-il à Guillaume Apollinaire dès août 1916. À défaut de devenir psychiatre, il distille bientôt dans les arts les concepts de la psychanalyse, le travail sur les rêves et l’écriture automatique. Loin du divan et pour « changer la vie ». La création artistique en garde profondément la trace, au-delà du cercle des surréalistes.