Les risques psychosociaux ont fait leur apparition dans les médias suite aux nombreux suicides chez Renault et France Télécom (80 suicides entre janvier 2008 et janvier 2010), qui ont interpellé l’opinion publique sur la question de la souffrance au travail. Et la problématique reste d’actualité. Pour ne citer qu’un exemple, en septembre 2010 un médecin du travail du pôle Nord-Est de France 3 s’est suicidé. Il pointait dans son rapport 2009 l’explosion des risques psychosociaux au sein de la chaîne, et est devenu lui-même victime de discrimination et de harcèlement moral… Dans ce contexte, commissions, rapports, négociations, analyses et préconisations vont bon train. Alors où en est-on aujourd’hui ? Comment s’attaque-t-on aux risques psychosociaux ? Existe-il un consensus concernant la manière de les voir et de les traiter ? Rien n’est moins sûr…
Impossible définition
Stress, harcèlement moral et sexuel, épuisement professionnel (burn-out), suicide, violences physiques et verbales internes à l’entreprise ou exercées par des personnes extérieures, tous ces phénomènes renvoient à ce que l’on nomme les « risques psychosociaux » (RPS). Le terme peu évocateur de « psychosocial » souligne la dimension subjective de ces risques : la même cause n’aura pas la même conséquence selon les individus. Pour reprendre les termes du ministère du travail, les RPS se situent à « l’interface de la personne et de sa situation de travail ».
A partir de là, peut-on élaborer une définition ? Eurogip, groupement d’intérêt public en charge de la connaissance des risques professionnels en Europe, y renonce plus ou moins. En effet, les causes et les conséquences se confondent. Par exemple, le stress peut être la conséquence d’une agression physique, mais aussi une des causes d’un burn-out ! Les risques interagissent entre eux et fonctionnent de manière circulaire ou systémique. De plus, chaque pays utilise des définitions différentes pour parler des RPS. Eurogip conclut donc que ceux-ci correspondent au sens large à « tous les troubles non physiques liés au travail ». Mais un trouble n’est-il pas plutôt la conséquence d’un risque que sa définition ? Et justement, les conséquences peuvent à la fois concerner la santé mentale et physique des travailleurs : maladies cardio-vasculaires, troubles musculo-squelettiques, anxiété, dépression, conduites à risques… Il est aussi à noter que les RPS ont un impact sur l’entreprise : absentéisme, turn-over, accidents, dégradation du climat social…
Quant aux facteurs de risques, ils sont innombrables ! Le ministère du travail français a décidé d’en retenir, à partir de la littérature actuelle, quatre grandes familles de facteurs de risque : les exigences du travail et son organisation (autonomie, niveau d’exigence en termes de délais et de qualité, injonctions contradictoires…) ; le management et les relations de travail (qualité des relations avec les supérieurs et les collègues, reconnaissance, justice organisationnelle…) ; la prise en compte des valeurs et attentes des salariés (développement des compétences, conflits éthiques, équilibre vie privée et professionnelle…) ; et les changements du travail (insécurité de l’emploi, restructuration, nouvelles technologies…). Mais d’autres classifications existent. Le collège d’expertise sur le suivi des RPS retient quant à lui 6 dimensions de risque à caractère psychosocial. Bref, vous l’aurez compris, chercher à comprendre ce que sont les risques psychosociaux amène à perdre son latin ! D’ailleurs, faut-il parler du risque psychosocial ou des risques psychosociaux ? Les deux termes sont employés, parfois au sein du même document, ce qui montre bien le flou ambiant.