Pouvez-vous décrire le service d’addictologie dans lequel vous officiez ? Comment les personnes que vous recevez sont-elles orientées vers vous ?
Il s’agit d’un service hospitalier à part entière, comprenant dix-huit lits et un hôpital de jour. Nous couvrons jusqu’à 17 000 consultations par an, toutes addictions confondues, à commencer par l’alcool. Nous avons une unité de coordination tabacologique, et avons été parmi les premiers à nous préoccuper du cannabis, aussi nous disposons de Consultations Jeunes Consommateurs, et d’un hôpital de jour pour adolescents. Nous avons un centre de référence Cocaïne et un service référence Jeux d’argent. Nous recevons aussi des personnes souffrant d’addiction sexuelle.
Avec notre unité d’hospitalisation de niveau III, correspondant à un centre de référence universitaire, nous accueillons les patients les plus « compliqués », qui ont de la difficulté à être pris en charge ailleurs. Ils peuvent être orientés vers nous par des médecins généralistes ou des structures de soins. Nous avons des conventions avec les CSAPA (Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie). Nos patients sont aussi de plus en plus nombreux à nous trouver via Internet.
Sont-ils conscients de leur dépendance, ou certains sont-ils encore dans le déni ? Quels sont les éléments qui déclenchent une démarche de soins ?
Ils sont conscients de leur addiction quand ils entreprennent cette démarche, mais se trouvent malgré tout dans une situation d’ambivalence : quand on est « addict », on aimerait conserver le plaisir, tout en laissant les ennuis. Mais quand ils viennent dans notre service, ils ont admis qu’ils avaient un problème avec un produit ou un comportement… ce qui est un peu plus facile pour les soignants, car l’une des étapes délicates du processus de soin est sans doute de faire admettre à quelqu’un qu’il a besoin d’aide.
Quant aux raisons d’une démarche de soins, elles sont multiples, et dépendent le plus souvent du type d’addiction. Cela peut être à la suite d’un problème de santé, comme une cirrhose ou des complications pulmonaires, dans le cas de l’alcool et du tabac, à la suite de difficultés conjugales ou familiales, ou encore de problèmes avec la justice, comme un retrait de permis, ou la menace du retrait d’un enfant. Cela peut aussi tout simplement être dû au fait que ces personnes sont fatiguées de ne plus être maîtresses d’elles-mêmes, et se disent que « le jeu n’en vaut plus la chandelle ». Cela peut être également le résultat d’un travail de sensibilisation d’un généraliste, qui permet à certains individus d’être « mûrs » pour venir nous consulter… C’est, en somme, ce travail que l’on nomme le travail motivationnel, que nous faisons, mais une fois que les personnes sont venues nous consulter.