Un rappel qui sonne à heure fixe tous les jours, une plaquette toujours dans le porte-monnaie, une petite voix dans la tête qui, même après une soirée bien arrosée, nous rappelle qu’il faut la prendre… La pilule fait partie intégrante de la vie de la plupart des femmes. Une responsabilité de taille qui s’ajoute à la charge mentale du quotidien. Des scientifiques mènent actuellement des recherches pour proposer à la gent féminine de se débarrasser de cette corvée quotidienne pour la laisser aux hommes. Pourtant, cette promesse médicale semble loin d’être une solution miracle. Car même si cette pilule masculine voit le jour dans les prochaines années, ce tournant dans la gestion de la procréation ne serait sans doute pas si simple à accepter.
Une responsabilité partagée
« Il ne suffit pas d’un progrès médical pour que les pratiques féminines et masculines changent », déclare Nikos Kalampalikis, professeur de psychologie sociale à l’Université Lumière Lyon 2. Laurianne, maman de deux petites filles en est la preuve. Cette jeune femme de 37 ans ne souhaite pas de troisième enfant, et il lui est inenvisageable de laisser entre les mains de son conjoint la responsabilité de son corps : « Je préfère continuer à prendre la pilule et tous les risques médicaux ainsi que les inconvénients qui vont avec, plutôt que de laisser cette mission à mon conjoint. J’ai confiance en lui mais ce n’est pas possible : même si ce sont des décisions qui se prennent à deux, le jour où il faut avorter, c’est la femme qui subit les plus grosses conséquences. C’est son corps qui est directement concerné. » Cette question autour des conséquences de l’oubli de la contraception, centrale, révèle une asymétrie dans le rôle de la procréation, comme le détaille Cyril Desjeux, docteur en sociologie et auteur de Pratiques, représentations et attentes contraceptives des hommes (Éditions universitaires européennes, 2010) : « Dans le cas de la pilule féminine, la responsabilité peut être purement individuelle. En revanche, dans le cas de la pilule masculine, cela paraît plus compliqué : les conséquences d’un rapport sexuel non protégé, dans le cadre d’une grossesse, se reporteront directement sur la femme et non sur l’homme. »