Courrier des lecteurs

ISF, ruissellement : mythes et antimythe

En réponse à notre compte rendu du livre d’Arnaud Parienty (Le Mythe de la théorie du ruissellement, La Découverte) paru dans Sciences Humaines n° 312, mars 2019, Pierre Danner, professeur d’économie et de gestion, nous a fait parvenir ce commentaire :

À propos du livre d’Arnaud Parienty, un constat : 10 000 contribuables ont quitté la France en quinze ans, pour une perte de recettes de 40 millions d’euros par an, que l’on peut comparer à la perte de 3,5 milliards par an pour les finances publiques. Soulignons tout d’abord que ces 10 000 contribuables représentent un quart des plus aisés qui ont quitté le pays, et que ces contribuables payent plus de 100 000 € d’impôt sur le revenu en France. Si l’on divise 40 millions par 10 000 contribuables, ça correspond à un impôt annuel moyen de 4 000 € par an, soit probablement moins que ce que lâche M. Parienty au fisc par an. Or, dans l’hypothèse la plus pessimiste, si ce sont les plus pauvres des plus riches qui se sont exilés fiscalement, c’est au minimum 100 000 € multipliés par 10 000 contribuables soit 1 milliard d’euros qui font défaut annuellement aux recettes de l’État. On peut également comparer cette perte de recettes de 3,5 milliards d’euros aux 1 040 milliards annuels de notre modèle social. Alors oui, la théorie du ruissellement est un mythe, mais pas plus que l’ISF, que tous les grands pays ont supprimé et qui n’existe même pas en Chine populaire… Si effectivement les inégalités de patrimoine (de 1 à 120 entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches) sont bien plus choquantes que les inégalités de revenus (qui vont d’un à quatre, après redistribution et sur les mêmes bases), il serait plus judicieux de récupérer ces 3,5 milliards en augmentant, par exemple, les droits de succession. Les successions ne doivent rien au mérite des bénéficiaires et accroissent les inégalités. Arrêtons donc de plaquer des idéologies d’un autre siècle sur l’ISF, et raisonnons plutôt en termes d’efficacité économique, de réduction de toutes les inégalités (sociales, culturelles, économiques, génétiques) pour fabriquer enfin un monde plus juste. Je crois que Sciences Humaines y contribue, et c’est la raison pour laquelle je suis heureux d’y être abonné.