Culture et enseignement : éclectime ou hiérarchie ?
À propos de « Les profs de fac : ascétiques ou hédonistes ? », publié dans notre mensuel n° 340, octobre 2021, nous avons reçu ce commentaire de Jean-Michel Esi :
En tant qu’enseignant dans le supérieur, je me permets de réagir à ce résumé d’une enquête par ailleurs intéressante. À la question « Quel rapport entretiennent les enseignants des universités avec la culture ? », Emmanuelle Picaud répond d’emblée : « Contrairement aux idées reçues, ils ne sont pas tous amateurs de Mozart ou lecteurs avisés du dernier prix Nobel. Leurs goûts refléteraient davantage ceux de la classe sociale dont ils sont issus. » Pardonnons à l’auteure le leitmotiv des idées reçues : ne serait-ce qu’en regardant autour de soi, on commence à savoir que même les plus diplômés n’écoutent pas que du Mozart. Rappelons cependant que les classes dites populaires emploient encore l’expression « grande musique » pour qualifier celle de Mozart. C’est dire, comme le soulignait Bernard Lahire en 2004, (La Culture des individus), que le sentiment confus d’une hiérarchie subsiste dans les esprits. En dénonçant les effets de domination symbolique de cette hiérarchie, Pierre Bourdieu et surtout ses émules l’ont vidée de son sens et réduite au rôle d’outil de distinction sociale. Je soutiens pour ma part la thèse que l’égalisation des productions culturelles, loin d’être une libération, est un effet mécanique du développement du capitalisme, réduisant la valeur de la culture à celle de son marché.