D'anciens patients peuvent-ils devenir soignants ? La controverse des médiateurs de santé-pairs

Des patients à la rescousse des psychiatres ? Prévu début 2012, le programme expérimental des médiateurs de santé-pairs fait polémique au sein de la psychiatrie. En quoi consiste ce projet ? Représente-t-il un danger pour la psychiatrie ? Ou bien peut-il faire évoluer les mentalités ? Enquête.
« Avec le projet des médiateurs de santé-pairs, nous mettons en cause les frontières classiques (eux c'est eux, nous c'est nous), et ça dérange. En France, 30 % de la population est concernée par les troubles psychiques. Cela fait une personne sur trois, de même pour les soignants », déclare le Dr. Jean-Luc Roelandt, directeur du CCOMS (Centre Collaborateur de l'Organisation Mondiale de la Santé pour la recherche et la formation en santé mentale). Il est à l'initiative du programme expérimental des médiateurs de santé-pairs, qui vise à former 30 ex-usagers de la psychiatrie pour les intégrer dans les services de soins. « Nous embauchons des gens qui ont une expérience de la maladie et qui s'en sont remis. Je pense que cela sera très utile pour bon nombre de patients. Par son parcours, le médiateur de santé-pair peut faire naître chez les patients l'espoir d'un rétablissement et d'une intégration sociale possible. »

Renouveler une institution vieillissante ?

« C'est le fruit d'une réflexion menée au sein du CCOMS inspirée de l'expérience québécoise des « travailleurs de santé-pairs et d'une expérience similaire aux Etats-Unis, explique le Dr Roelandt.. L'idée de fond est qu'on ne peut pas faire de médecine sans tenir compte de l'avis des personnes que l’on soigne. Il s'agit d'un changement de paradigme : avant, on appliquait la médecine à des personnes, là on fait de la médecine avec les personnes. La création du métier des médiateurs de santé-pairs s'inscrit dans ce mouvement. » Qui sont les médiateurs de santé-pairs ? Ce sont des personnes ayant connu des troubles psychiques, souvent une hospitalisation, et qui, grâce aux soins, ont acquis une certaine stabilité. Selon les chercheurs qui ont développé ce concept, un patient rétabli peut toujours présenter certains symptômes de la pathologie dont il souffre, mais il bénéficie d'une autonomie et d'un degré de contrôle suffisant pour mener à bien ses projets. « Un des indicateurs du rétablissement est « l'insight », c'est-à-dire la manière dont la personne va prendre du recul par rapport à son vécu. », précise Stéphanie Dupont, chargée de mission au CCOMS.