Dans l'antre des «effondrés»

Pour un nombre croissant d’individus, les signes d’un effondrement prochain des sociétés industrielles sont là. Comment penser – et vivre avec – cette perspective ?

Comment tout peut s’effondrer, Pourquoi tout va s’effondrer, ou le célèbre et sobrement intitulé Effondrement 1... Ils sont partout. S’appuyant sur des données faisant consensus dans la communauté scientifique, les penseurs de « l’effondrement » – Pablo Servigne, Yves Cochet, Cyril Dion en tête – alertent sur la fin de notre civilisation industrielle, remettant au goût du jour le rapport Meadows de 1972.

Catastrophismes divergents

Mais, alors que la notion d’effondrement irrigue de plus en plus la pensée écologique, comment ses théoriciens appréhendent-ils cette perspective de déclin global ? D’aucuns pronostiquent un effondrement brutal – un courant « subitiste » incarné par l’universitaire italien Ugo Bardi –, quand d’autres anticipent une lente érosion des sociétés. D’autres divergences se font encore jour. Pour les initiateurs du concept de « collapsologie » – du latin collapsus, effondrement –, celui-ci est inévitable. Il faut donc dès à présent faire le deuil de notre monde – dont ils prophétisent la chute d’ici 2030. Avec, au bout, une « renaissance », sous la forme de communautés résilientes tournées vers l’autosuffisance, en symbiose avec leur milieu. Pour le reste des « effondristes », l’effondrement est une hypothèse hautement probable et, à défaut de pouvoir l’éviter, il faut tout mettre en œuvre pour en atténuer l’impact. Sans se bercer d’illusions sur le prix humain du désastre annoncé…

À partir de là, à chacun ses mécanismes de coping… Acceptation et cheminement intérieur pour les collapsologues, qui s’appuient en cela sur les travaux des éco-psychologues américaines Carolyn Baker et Joanna Macy. Appel à un sursaut collectif pour d’autres, qui reprochent aux premiers un certain fatalisme doublé d’un spiritualisme annihilant l’action et dépolitisant la question écologique. L’ingénieur Daniel Tanuro est de ces critiques de la collapsologie, dont il juge en outre certaines références idéologiques – comme Mircea Eliade et Carl Gustav Jung – peu recommandables 2.