De « Amérique » à « Zinzin », les mots de l'économie d'aujourd'hui

Amérique

Il y a dix ans de cela, l'Amérique vivait le syndrome de la décadence face à la montée en puissance de l'Asie. Aujourd'hui, on s'interroge outre-Atlantique, sur les ressorts de la « New Economy » : inflation supprimée, déficits publics en voie de résorption, chômage bas (4 % de la population active), croissance forte et continue. On objecte à ces chiffres l'Amérique pauvre (les workpoors) et les inégalités. C'est aussi cela l'Amérique. Tout comme la part notable des emplois à salaire élevé créés ces dernières années dans des secteurs de pointe.

A quoi tient le boom américain ? Il y a des raisons macroéconomiques (position du dollar, assainissement des comptes publics, flexibilité du marché du travail, etc.). Mais il y a des raisons structurelles plus profondes aussi : la flexibilité du marché du travail ne fonctionne que s'il existe une dynamique institutionnelle favorable à la création d'emplois. L'innovation technologique ne se transforme en activité que si les innovateurs trouvent les soutiens matériels et les stimulants idéologiques pour se lancer dans l'aventure.

Cela dit, Paul R. Krugman, qui avait prévu dès 1994 la fin du « miracle asiatique », suggère dans une récente livraison de Foreign Affairs que le cycle actuel de la New Economy aura aussi une fin.

Capitalisme

Le « néocapitalisme » est-il arrivé ?

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Le capitalisme est en passe d'avoir conquis toute la planète : de New York à Canton, de Moscou à Lima. Privé d'alternative, il importe dès lors d'en distinguer les types nationaux, les formes et les évolutions.

Depuis Michel Albert, il est d'usage de distinguer le capitalisme « rhénan », fondé sur l'importance de l'Etat providence et la cogestion, le capitalisme anglo-saxon, plus concurrentiel et innovateur, et le capitalisme français, où l'Etat joue un rôle central. Demain, on parlera peut-être d'un capitalisme « slave » ou « latin »...

Les économistes s'interrogent sur l'existence d'un néocapitalisme qui serait en train d'émerger. Ses caractères nouveaux : le développement de la sphère financière, l'essor de firmes multinationales globales (Microsoft, Coca-Cola, Nike), et le passage d'un capitalisme managérial à un capitalisme d'actionnaires fondé sur la recherche de rentabilité immédiate (voir Entreprise).

Chômage

La décrue du chômage, amorcée depuis un an (11,8 % en juillet 1998 contre 12,5% fin 1997), ajoutée au redémarrage de la croissance annoncent-ils la fin du chômage de masse en France ? Peut-on espérer, à terme, le retour au quasi-plein-emploi comme aux Etats-Unis ?

La croissance à elle seule ne peut pas suffire à supprimer le chômage. Même avec un taux de croissance très fort (de l'ordre de 4 %) durant cinq ans (ce qui est inespéré), le chômage ne chuterait qu'à 7,5 %.

Les 35 heures ? Selon les experts, la mesure aboutira au mieux à la disparition de 300 000 chômeurs. La baisse des charges sociales des entreprises ? La suppression de la taxe professionnelle devrait favoriser l'embauche, mais personne ne s'attend à un effet important.

Chacune de ces mesures s'appuie (en partie) sur les analyses des économistes. Chacun aurait-il un peu raison ? Seules les idées reçues de l'opinion sont infirmées. La mondialisation ne supprime pas d'emplois, pas plus que les nouvelles technologies (aux Etats-Unis, l'informatique est aujourd'hui le secteur le plus créateur d'emplois).

Voir « Chômage : l'affrontement des modèles » p. 42.

Crise

Par ses effets, elle marque tant les esprits qu'elle continue à faire parler d'elle bien des années après son déclenchement. Ainsi, depuis le premier choc pétrolier de 1974, parle-t-on encore de crise pour caractériser les années 80 et 90. Pour les économistes, il y a crises et crises, les unes de nature conjoncturelle ou cyclique, les autres plus structurelles et donc inscrites dans la longue durée. Les premières sont en principe passagères : elles correspondent au moment paroxystique d'un cycle, précédé d'une phase d'expansion et suivi d'une phase de récession et de dépression qui se traduit par une baisse de la production et une montée du chômage. Dans cette perspective, les économistes conjoncturistes voient dans les deux dernières décennies une longue période de croissance modérée combinée à une inflation élevée (stagflation) suivie de périodes de reprise (comme à la suite du second choc pétrolier de 1979) et de récession (comme en 1993). Reste la persistance d'un chômage de masse. Pour les uns (les néoclassiques), elle découle des rigidités du marché du travail et ne justifie donc pas de parler de crise. Pour les autres (les régulationnistes notamment), elle confirme au contraire l'existence d'une crise structurelle dont le déclenchement serait antérieur au premier choc pétrolier. Cette crise traduirait le passage, sous l'effet notamment de la mondialisation, d'un mode de régulation fondé sur la production et la consommation de masse (le fordisme) à un autre dont il reste encore à définir les contours.