Il est toujours bon de s’arrêter pour un bilan. Le mois de décembre y est propice. Que s’est-il passé cette année ? Que faut-il en retenir ? Quels livres méritent-ils de résister au temps ?
Ce rituel hivernal, qui consiste à faire le tri dans sa mémoire, est salutaire : il permet de dégager les faits et idées qui comptent vraiment. Cette fois-ci, nous avons pensé que l’on pouvait faire encore mieux. Si l’on élargit l’horizon non aux derniers mois, mais aux dernières années, depuis l’an 2000 (13 ans déjà !), surgit alors un bon aperçu des idées marquantes de ce début de siècle. C’est ainsi qu’est né ce numéro.
Chaque rédacteur de Sciences Humaines a extrait la fine fleur de sa bibliothèque. Il y a eu des tergiversations, des états d’âmes et des débats. Pour ma part, j’ai repensé à quelques titres : Le Siècle de la Chine. Comment Pékin a refait le monde à son image (Flammarion, 2013) a été de ceux qui ont retenu mon attention ; mieux, il a changé ma manière de voir. Les deux auteurs ont parcouru les cinq continents, de l’Afrique à l’Amérique latine, de l’Europe à l’Asie centrale, à la rencontre de migrants chinois : des milliardaires qui rachètent de grands vignobles de Bourgogne ou le port du Pirée en Grèce, des migrants pauvres venus de la campagne et qui réussissent à établir un commerce en Égypte, sur le marché saturé de la confection.
Ce livre donne un visage à ces hommes et femmes qui, avec leur travail, leur argent et leurs rêves, sont en train de refaçonner le monde. Il m’a fait songer à d’autres enquêtes de la même veine, celle de Doug Sanders, Du village à la ville. Quand les migrants changent le monde. Bouleversant. Africa. États faillis, miracles ordinaires de Richard Dowden (lumineux !) ou encore Voyage d’un Européen à travers le XXe siècle de Geert Mak, un chef-d’œuvre que j’avais presque oublié !
La vie des livres est soumise à une implacable loi de « destruction créatrice ». Les livres nouveaux paraissent, repoussant dans l’ombre ceux d’hier. Ce numéro vise à lutter contre l’usure du temps et prendre la mesure des évolutions en cours. Il s’inscrit dans l’optique du « développement intellectuel durable » – ni course incessante à la nouveauté, ni retour aux éternels classiques –, mais un travail permanent pour approfondir et accroître notre savoir sur le monde.
200 livres, c’est peu et c’est beaucoup. Notre sélection comporte une part d’arbitraire – c’est la loi du genre. Il nous a fallu jongler entre ce qui semble important et nos coups de cœurs personnels.
Cette première tentative ne demande qu’à s’enrichir de vos propres contributions. Sur le site scienceshumaines.com, une page vient d’être ouverte : elle est destinée à recueillir vos avis, vos propres choix et à construire ensemble la petite bibliothèque idéale des idées du XXIe siècle.
Jean-François Dortier