Le psychanalyste français est décédé dimanche à Beaune à l'âge de 88 ans. Ancien élève de l'École Normale Supérieure, agrégé de philosophie et psychiatre, il laisse une œuvre importante, où s'entrecroisent une approche exigeante de la pensée freudienne et une élaboration de nouveaux cadres théoriques pour la psychanalyse. Ce fut aussi l'un des artisans de l'entrée de la psychanalyse à l'Université.
A la fin des années 1990, alors qu'ils visitaient les caves du Château de Pommard, un couple de psychanalystes aperçurent au loin le propriétaire des lieux, en bottes et habits de travail, lunettes épaisses vissées sur le nez, occupé à mettre de l'ordre dans ses 400 000 bouteilles. Lorsqu'ils se présentèrent au guide qui les accompagnait et que ce dernier lança un gouailleur : « Eh patron ! En voilà deux qui sont de votre partie », l'homme répondit simplement, désignant un grand cru : « Alors, faites-leur goûter celui-ci ». Puis, sans un mot de plus, il retourna humblement à sa tâche. Car Jean Laplanche était ainsi, à la fois bon vivant et rigoureux dans tout ce qu'il entreprenait. Né le 21 juin 1924, dans une famille de vignerons, il délaisse pourtant momentanément la propriété familiale de Pommard et ses vignobles bourguignons pour se former à la philosophie. Impliqué dans l'Action Catholique dès son adolescence, il s'engage dans la Résistance en 1943, puis intègre l'École Normale Supérieure à la fin de la guerre.
En 1947, il commence une analyse avec Jacques Lacan. Sur les conseils de ce dernier, il entreprend des études de médecine – ce qui ne l'empêchera pas d'obtenir l'agrégation de philosophie en 1950. Interne des hôpitaux psychiatriques, il soutient en 1959 une thèse qui sera publiée deux ans plus tard sous le titre Hölderlin et la question du père. On y retrouve, appliquée au « cas » du poète allemand qui, enfant, perdit successivement son père puis son beau-père, la théorisation de la psychose du Lacan des années 1950 : la structure psychotique d'un sujet est liée à la forclusion du Nom-du-père, c'est-à-dire au rejet de la métaphore paternelle, pivot du complexe d'œdipe. A ces considérations théoriques âpres, se mêle d'emblée dans le propos un souffle novateur et indiscutablement littéraire, libéré de son carcan purement nosographique. Laplanche insiste sur le fait que c'est bien l'inconscient qui mène la danse et, dit-il, « ce n'est pas la science - psychanalytique ou non - de la schizophrénie qui nous enseigne le dernier mot sur Hölderlin, mais [que] c'est lui qui rouvre la question de la schizophrénie comme problème universel » (1).