Des chevaux dans les tombes

Pour nous, être enterré avec un cheval a quelque chose de prestigieux. On pense aux rois, aux preux chevaliers de nos livres d’enfants. Méfions-nous des apparences ! Dans la ville d’Evreux, une fouille préventive, conduite sur un terrain de 200 m2, a mis au jour une nécropole du iiie siècle de notre ère. Avec des tombes inhabituelles pour cette période. D’abord, les défunts ne sont pas tous placés sur le dos, selon la mode de l’époque, mais positionnés indifféremment sur le ventre ou sur le côté. L’un d’eux a le bras droit tordu en arrière, un autre a été enterré avec les membres inférieurs hyperfléchis. Chose extraordinaire, la plupart d’entre eux sont accompagnés de quartiers et de crânes de chevaux ! Que cela signifie-t-il ? Pour Sylvie Pluton, de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), ce ne peut être une survivance d’un ancien rite gaulois. Cela faisait trois cents ans à l’époque que les Romains dominaient le pays et avaient imposé leur culture. Ce n’est pas davantage l’importation d’un rite exotique par les soldats romains : aucun autre exemple n’est pour le moment connu en Europe. Ni une sépulture d’épidémie : le sexe et l’âge des défunts ne témoignent pas de décès en masse. Alors quoi ? Reste une hypothèse : la nécropole se trouvait autrefois à l’extérieur de la ville, près d’une zone d’épandage des carcasses de chevaux, dans laquelle venaient piocher les équarrisseurs, qui recyclaient les ossements, par exemple pour fabriquer des boutons, et les crins. Peut-être sont-ce eux qui se sont amusés à décorer leurs tombes de cette étrange manière. En effet, sous l’Empire romain, être enterré sans offrande funéraire était inacceptable. Sans argent pour partir dans l’autre monde avec de belles céramiques ou de juteux morceaux de viande, on prend ce que l’on a sous la main. Paradoxe : ce qui pour nous serait un honneur (être enterré avec un cheval !), ici n’était peut-être qu’un pis-aller.