L'Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff), réalisée par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs du CNRS, de l'Ined, de l'Inserm et d'universités à la demande du Service des droits des femmes et du secrétariat d'Etat aux droits des femmes, a fourni une évaluation tant qualitative que quantitative des violences dont sont victimes les femmes au cours d'une année. De toutes les violences : physiques, verbales, morales ou sexuelles - dans la rue, sur le lieu de travail ou chez elles. Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont adopté une démarche originale consistant à interroger les femmes dans un cadre neutre et anonyme. Partant du constat que les victimes rechignent souvent à en parler, ils ont pris soin d'éviter de nommer explicitement la violence dans leurs questions ; le questionnaire a été en outre conçu de façon à faire émerger progressivement les situations de violence et à favoriser la remémoration des événements occultés. De nombreuses femmes ont ainsi parlé pour la première fois des violences sexuelles infligées par leur conjoint.
Un chiffre donne une idée de l'ampleur du décalage entre les données statistiques et la réalité probable de ces violences. Sur les 6 970 femmes âgées de 20 à 59 ans interrogées, 0,3 % déclarent avoir été victimes d'un viol au cours des douze mois précédant l'enquête. Rapportée à l'ensemble de cette population, cela donne 48 000 victimes. Or, en 1998, « seuls » 7 828 viols avaient été déclarés à la police ou à la gendarmerie... Pour les auteurs, un tel écart en dit long sur la culpabilité, voire la honte éprouvée par les victimes ; mais il en dit long aussi sur la probable carence de l'écoute, tant des institutions que des proches.
Références
Population & sociétés, n° 364, janvier 2001.