Psychopathia sexualis : le zénith des bas-fonds
C’est au XIXe siècle que la médecine s’empare à bras-le-corps des pratiques sexuelles considérées comme déviantes. Alors fleurit toute une nomenclature de termes inédits : homosexualité (Karoly Maria Kertbeny, 1869), exhibitionnisme (Charles Lasègue, 1877), fétichisme (Alfred Binet, 1887)… De L’Onanisme du Dr Tissot (1765) aux Études de psychologie sexuelle de Havelock Ellis (publiées de 1897 à 1928, excusez du peu), et au milieu des spécialistes nommés Claude-François Michéa, Albert Moll ou Magnus Hirschfeld, c’est la Psychopathia sexualis de Richard von Krafft-Ebing (1840-1902) qui surnage. L’auteur n’est pas un débutant. En 1875, il a innové en publiant le premier manuel de psychopathologie légale. En 1879, dans un manuel de psychiatrie, il a donné au mot « paranoïa » sa signification actuelle de délire systématisé (il désignait jusqu’alors un délire en général ou un trouble de l’intelligence ou du raisonnement, par opposition aux manies et mélancolies recouvrant des troubles émotionnels). Dans Psychopathia sexualis, 200 études de cas frappants, soigneusement décrits dans l’espoir de dégoûter le lecteur, et qui signent une forme de dégénérescence, servent de toile de fond à un catalogue qui va varier au fil des éditions. Au début, von Krafft-Ebing décrit surtout des troubles de la pulsion sexuelle (trop ronronnante ou trop volcanique, trop précoce ou trop tardive) ou des perversions (sadisme, nécrophilie, homosexualité, c’est-à-dire « sentiment sexuel inversé »). Il décrira ultérieurement des perversions de but (sadisme, masochisme, exhibitionnisme, fétichisme) et d’objet (homosexualité, pédophilie, zoophilie, gérontophilie, autoérotisme), dichotomie qui sera reprise et complexifiée par Freud.
• Richard von Krafft-Ebing. (1886). Camion blanc, 2012. • Sylvie Chaperon. (1850-1900). Payot, 2012.