Des tranchées à la pulsion de mort 1914

La guerre moderne

Des jeunes gens couverts de boue qui se canardent sans savoir pourquoi, sur fond de déchaînements d’armes inédites comme les chars, les bombes tombées du ciel ou le gaz. S’ils échappent à la mort, certains d’entre eux se retrouvent frappés de tremblements, de paralysie, de cécité, sans lésions apparentes. Quelques-uns sont concernés avant même de monter au front. Plus de 80 000 soldats britanniques seraient frappés, et pas moins de 1 million de Français. Leur sort est aléatoire : ils sont fusillés car accusés de simulation, de lâcheté. Ou bien on les renvoie se battre. D’autres, réellement considérés comme malades, sont ramenés vers l’arrière. Certains, partiellement paralysés, seront exhibés nus devant des caméras. Il devient nécessaire de créer des centres spéciaux. Le psychologue britannique Charles Samuel Myers (1873-1946) parle de shell shock ou commotion cérébrale en 1915. Joseph Babinski (1857-1932) préfère évoquer du « pithiatisme » dans l’espoir de remplacer le vieux terme d’hystérie. Pourtant, c’est bien à ce vieux diagnostic fourre-tout que tout le monde songe, avec ces traumatismes psychologiques se répercutant sur le plan corporel sans lésion organique, et qui sont devenus totalement négligés par les traités de psychiatrie. Alors en échange, on applique les thérapies du temps : chocs électriques, injection d’éther, bains prolongés, travail manuel, ou repos pour les plus veinards. Étrangement, les traitements violents marchent parfois.

• Louis Crocq. . Odile Jacob, 2014. • Laurence Guignard, Hervé Guillemain, Stéphane Tison (Dir.). PUR, 2013.