Détecter l'autisme avant 3 ans : un enjeu de taille

Plus tôt on dépiste un enfant autiste, plus tôt on peut intervenir, et meilleur sera son pronostic. Tel est le leitmotiv des spécialistes de l’autisme qui traquent, avec les associations de familles, les premiers signes d’alerte chez le tout-petit.

Nous sommes dans la crèche collective Les Cacahuètes, un établissement plein à craquer de doudous, de tétines et de jouets multicolores. Tandis qu’un petit groupe d’enfants se regroupe autour de la professionnelle assise au sol avec un tambourin, Nathan, 19 mois, s’amuse à taper à maintes reprises une petite balle rouge contre le radiateur, occasionnant le même bruit sourd. 11 h 15, heure du déjeuner : la quasi-totalité des enfants se dirigent vers l’espace repas dès que le cuisinier, et son incontournable chariot, font leur apparition. Nathan, quant à lui, reste concentré sur son activité. Une auxiliaire de puériculture l’appelle par son prénom. Une fois, deux fois, trois fois. Pas de réaction. Impatiente, elle va jusqu’à lui, le prend par la main et l’assoit sur sa petite chaise verte. Lorsque la professionnelle lui montre du doigt le chariot, Nathan regarde le doigt de la professionnelle et non le chariot. Son regard est fuyant, comme toujours. De quoi souffre Nathan ? D’un tempérament fort introverti, pourront répondre certains. D’une éventuelle surdité le coupant de son environnement, pourront répondre d’autres. Et s’il s’agissait d’autisme ?

Dépistage précoce, intervention précoce

Depuis que l’autisme a été reconnu, en 2012, grande cause nationale, ce handicap neurodéveloppemental et ses multiples enjeux sont plus que jamais sous le feu des projecteurs. Et pour cause, la Haute Autorité de santé estime qu’un enfant sur 150 naît autiste (soit 6 000 naissances chaque année).

Parmi les nombreux défis qui animent les communautés d’experts se dresse celui du dépistage précoce. En effet, « plus tôt on dépiste l’autisme d’un enfant, plus tôt on peut lui proposer une intervention intensive et adaptée à ses difficultés, et plus cela optimisera ses chances d’avoir un meilleur développement et une meilleure intégration dans notre société », souligne Julie Brisson, maître de conférences en psychologie du développement à l’université de Rouen, qui a consacré sa thèse aux signes précoces de l’autisme 1. Un point que confirme Nadia Chabane, pédopsychiatre responsable de l’unité de détection, de diagnostic et de prise en charge précoce des troubles du spectre autistique (TSA) de l’hôpital Robert Debré : « Nous agissons à un moment donné où le cerveau de l’enfant est doté d’une fonctionnalité qu’on appelle la plasticité cérébrale, c’est-à-dire qu’il est apte à se modifier en fonction de ce que lui apporte son environnement et d’adapter de nouvelles fonctionnalités » 2. Ces stimulations apportées au jeune enfant vont lui permettre de booster ses points faibles, d’améliorer sa communication, sa socialisation, sa capacité à s’insérer socialement, même si, comme le rappelle Nadia Chabane, il ne faut pas non plus s’attendre à un miracle. L’enfant demeurera autiste toute sa vie. Le potentiel de l’intervention précoce a d’ailleurs été confirmé par la recherche 3, si bien que le 3e Plan autisme (2013-2017) 4 prône également le dépistage précoce. Un autre argument de taille : celui du gain financier. Julie Brisson nous rappelle qu’un dépistage précoce entraîne une économie financière et sociale en termes d’accompagnement.