Les thèses contemporaines sur l'évolution du travail en France sont habitées, souligne Denis Clerc, professeur à l'Enesad, par de puissants imaginaires, qu'il est relativement facile de déconstruire. Le premier, qualifié « de gauche », consiste à dénoncer un vaste mouvement de précarisation et de paupérisation des salariés. Le second, qualifié « de droite », est l'annonce d'une ère prochaine où le salariat laisserait la place à une activité autonome et épanouissante. Or, ni l'un ni l'autre de ces tableaux ne correspond à une description raisonnable des faits.
En effet, même si les emplois à temps partiel, les contrats à durée déterminée et l'intérim ont plus que doublé (parfois triplé) en vingt ans, cela ne suffit pas à faire de la précarité une situation majoritaire dans le monde du travail. De 1992 à 1998, la stabilité moyenne des salariés a augmenté et les emplois occupés moins d'un an ont diminué. Inutile donc d'idéaliser le passé : l'officialisation des statuts précaires ne doit pas cacher que, dans les années 60, le licenciement était, pour l'ensemble des emplois, beaucoup plus facile et moins coûteux à l'employeur qu'aujourd'hui. En outre, ces deux dernières années, la tendance est à une régression des CDI et des temps partiels contraints.