Deuxième Guerre mondiale : le monde en jeu

Lors du deuxième conflit mondial, les Alliés ont su tirer parti de la fragilité structurelle de l’« ordre nouveau » voulu par Hitler. Ils ont ainsi contrecarré le projet nazi de domination de l’Europe et du monde.

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À première vue, les causes de la Deuxième Guerre mondiale semblent plus évidentes que celles de la Grande Guerre : l’Allemagne, humiliée par le Traité de Versailles, ne sort de la Grande Dépression 1* qu’au prix d’un réarmement qui vise à la conquête de l’Europe voire, dit-on, du monde. Cette lecture est étonnamment proche de l’interprétation développée par les contemporains du conflit, qui voient en Adolf Hitler un Guillaume II (troisième et dernier empereur allemand entre 1881 et 1918) plus vociférant et brutal. Il y a du vrai et du faux dans cette vision. Du vrai d’abord : l’Allemagne nazie est bel et bien le foyer d’où est parti le grand incendie de la Seconde Guerre mondiale. Certes, a posteriori, la guerre a une portée mondiale et pas seulement européenne. De même, sur le plan chronologique, on peut remonter à 1935 (guerre d’Éthiopie), voire à 1931 (invasion de la Mandchourie par le Japon) et non à 1939. Toutefois, sur le moment, c’est bien la politique nazie et la scène européenne qui préoccupent les puissances européennes et américaines. Du faux ensuite : contrairement à ce que l’on croyait à l’époque, Hitler n’est pas l’ultime avatar d’une germanité éternelle qui se plaît à agresser ses voisins à échéance régulière. Les guerres de 1864, 1866 et 1870 sont des guerres d’unification du Reich bismarckien. Celle de 1914 n’est pas plus due à l’Allemagne qu’à la France, à la Serbie, à la Russie ou à la Grande-Bretagne. Animés par un racisme sans concession, les hiérarques du IIIe Reich ont le projet ferme et cohérent de soumettre l’Europe de l’Est et la Russie à une politique de colonisation, et de piller et exploiter autant que faire se peut les territoires de l’Ouest.

L’édification d’un empire

La première étape du projet nazi consiste en l’édification d’un empire ethnique, ce qu’Hitler appelle le Grossdeutsches Reich (Reich grand-allemand) : la Sarre est rattachée en 1935, l’Autriche annexée en mars 1938, avant les Sudètes en octobre de la même année. Comme ces territoires sont germanophones, les chancelleries et les opinions publiques étrangères n’y trouvent pas grand-chose à redire : après tout, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est bien le fondement de la diplomatie depuis 1919… En 1936, au moment où Hitler remilitarise la Rhénanie, le Canard enchaîné ironise en titre : « Les Allemands envahissent l’Allemagne ! »

Tout change en mars 1939, quand le Reich envahit la Tchécoslovaquie : la Bohême et la Moravie annexées ne sont pas des territoires majoritairement germanophones. Il s’agit dès lors bel et bien d’un viol pur et simple des traités et des principes du droit international. Londres, qui avait poussé à l’apaisement depuis des années, se ravise, et son Premier ministre Neville Chamberlain reconnaît s’être lourdement trompé sur la valeur de la parole d’Hitler. La Grande-Bretagne et la France assurent la Pologne, nouveau pays menacé par l’Allemagne, de leur détermination à la protéger.

Quid de l’Italie fasciste ? Benito Mussolini pratique lui aussi l’agression militaire : il annexe l’Éthiopie (1935-1936), qui est membre de la Société des Nations (SDN), puis agresse l’Albanie et la Grèce (1939 et 1940). Mais la perspective d’une confrontation avec la France et la Grande-Bretagne le terrifie, car il sait que l’armée italienne n’est pas prête à un tel choc : artisan de la conférence de Munich en 1938, il tente de proposer une nouvelle médiation pour sauver la paix au moment de la crise polonaise (août 1939). En vain. Il ne déclare ensuite la guerre à la France, puis à l’URSS que pour éviter de paraître trop hésitant aux yeux d’Hitler et pour avoir sa place dans la nouvelle Europe : le moteur est bien le IIIe Reich.

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Pologne : première guerre à l’Est

Dès l’agression contre la Pologne, les armées allemandes frappent avec une brutalité qui stupéfie tout le monde. C’est que, Hitler le sait et ses généraux plus encore, le jeu est risqué et l’enjeu est énorme : si le pacte germano-soviétique (23 août 1939) préserve l’Allemagne d’une attaque de l’URSS, le IIIe Reich se bat formellement sur deux fronts, car Paris et Londres ont déclaré la guerre à Berlin. Pour l’état-major allemand, il faut écraser la Pologne le plus vite possible pour éviter ce cauchemar stratégique de la guerre double (est et ouest). Sur le plan tactique, l’armée allemande (Wehrmacht) et les toutes nouvelles unités de la Waffen-SS (créées en 1938) inaugurent une guerre d’assaut rapide et violent, fondée sur la concentration en quelques points précis du maximum de forces. Le Reich est pressé, car il a peur. De fait, en trois semaines, la Pologne – par ailleurs attaquée à l’est par l’URSS – n’existe plus en tant qu’armée, ni en tant qu’État.