Il y a des patients qui même pour les cliniciens aguerris, restent longtemps mystérieux. Bien sûr, nous savons tous que les catégories diagnostiques de nos cours, parfaitement définies et limitées, identifiables à coup sûr, sont un mythe pur et simple (il ne nous faut pas longtemps pour le découvrir). Toutefois, il y a aussi les diagnostics qu’on rencontre peu, si peu qu’une petite piqûre de rappel est parfois nécessaire. En effet, si nous pouvons tous nous représenter plus ou moins facilement, ou avec plus ou moins de précision à quoi ressemblent les symptômes de la maladie d’Alzheimer (la personne ne connaît plus la date, elle se perd dans des endroits familiers, elle oublie des choses ou des noms de personnes, ne sait plus ce qu’elle a mangé la vieille, etc.), peu d’entre nous suspecteraient qu’une personne qui se plaint de troubles de la vue puisse aussi présenter une maladie d’Alzheimer.
« Ma maison est un jeu de piste… »
Comme cette patiente de 55 ans qui, malgré un bilan ophtalmologique tout à fait correct, peine à reconnaître ce qu’elle voit. Elle est obligée de mettre des points de repère dans sa propre maison pour retrouver ses effets personnels. Elle se rend compte qu’elle écrit aussi de moins en moins bien et qu’elle ne parvient plus à réaliser des calculs mentaux simples. Elle en est très consciente et cela l’inquiète. Pourtant, quand elle consulte, le reste de son bilan est relativement rassurant. Pour ne rien faciliter, les examens de neuro-imagerie ne mettent en évidence ni lésion hémorragique, ni tumeur, ni atrophie marquée. Toutefois, de légères hypodensités au niveau de son lobe occipital (la partie la plus postérieure du cerveau) et surtout, la façon dont ses difficultés évoluent de façon progressive, laissent à penser que, comme une minorité de patients, cette dame présente un syndrome de Benson, ou atrophie corticale postérieure.