Le Coran semble se prêter à toutes les lectures. Il est rédigé dans une langue littéraire, au point que seuls 5 % des pratiquants – seuls 15 % des musulmans sont arabes – seraient en mesure de se confronter à la lettre du texte. Et il est en sus empli de passages aujourd’hui livrés à de multiples interprétations concurrentes, souvent radicalement divergentes. Au terme de cinq années de travail, une équipe de 28 chercheurs coordonnée par Mohammad Ali Amir-Moezzi nous livre ici un gros volume visant à « permettre une connaissance du Coran aussi objective, sereine et distanciée que possible ». Après une brillante et érudite introduction, qui rappelle combien la parole d’Allah a été un enjeu politique dès sa mise par écrit, suivie d’un soupçon de rappels historiques et géographiques, s’enchaînent les entrées : de A comme Aaron et abattage rituel à Z comme Zayd Ben Hâritha (un des deux seuls contemporains de Mahomet cité dans le Coran) et Zoroastre, la lecture est copieuse et reste centrée sur son objet : le Coran. Ainsi, on ne parlera pas du prophète Zoroastre, mais des rapports entre musulmans et zoroastriens, et des mentions coraniques de cette autre religion. Cet outil exhaustif permet de pourfendre les préjugés – c’est là un mérite qui pourrait élargir son audience au-delà du cercle des spécialistes : ainsi, à « Femme », il est mentionné que le Coran ne défend pas à une musulmane d’épouser un non-musulman, mais que c’est la sunna (tradition) qui a posé cet interdit. Quand l’analyse rejoint les débats contemporains sur l’intégration…
Marc Olano