DSM : la psychanalyse contre-attaque

Des psychanalystes français se lancent dans la rédaction d’un nouveau manuel de psychiatrie. Objectif : contrer le DSM, et faire revenir le vocabulaire de la psychanalyse à l’université et dans les lieux de soins. Mais les travaux sont ardus !

Régulièrement, nous déplorions dans ces colonnes qu’en matière de psychanalyse il n’y ait rien de bien nouveau sous le soleil : d’une part la publication d’opuscules jargonneux qui ne peuvent être lus que par une minorité et, d’autre part, des réunions où, pour la énième fois, sont commentés les commentaires des commentaires du séminaire de Lacan, sont trop souvent au programme de ce qui ferait l’actualité de la psychanalyse. Peut-être faudrait-il prendre le problème autrement. Dès l’instant où l’on essaie de parler de « la » psychanalyse, on se heurte au constat suivant : la psychanalyse est en crise. Pourtant, si l’on examine de plus près ce qui se passe dans certains groupes de psychanalyse, on s’aperçoit qu’on y trouve des psychanalystes au travail, qui réfléchissent non seulement aux façons de transmettre quelque chose de la psychanalyse, mais aussi de la transformer. C’est donc avec beaucoup d’intérêt que l’on a appris qu’un groupe de psychanalystes s’était mis en tête de proposer une alternative au désormais célèbre Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux de l’Association américaine de psychiatrie, le DSM (voir le dossier du Cercle Psy n° 9).

« Nous ne donnerons pas de leçons car nous avons beaucoup à apprendre »

Tout commence en 2010. Une version préliminaire de la cinquième mouture du DSM est mise en ligne sur Internet. Elle déclenche immédiatement les foudres de certains professionnels de la santé mentale. En France, des acteurs du soin psychique, réunis autour du psychiatre et psychanalyste Patrick Landman, lancent le mouvement STOP DSM. L’enjeu est de taille. Pour cette association, le fait que la nomenclature du DSM soit devenue parole d’évangile en épidémiologie, pour les publications scientifiques qualifiantes, pour les systèmes de protection sociale, pour le financement des politiques de soin, comme manuel de référence dans l’enseignement de la psychiatrie en faculté de médecine, et surtout pour les généralistes qui n’ont aucune formation sur la prescription de psychotropes, relève de l’aberration. « Le DSM a contribué à détruire les bases de la clinique traditionnelle au nom d’un espoir dans l’arrivée prochaine de marqueurs biologiques, qui ne sont pas au rendez-vous. Il a ainsi, en soutenant cette croyance, fait le lit du pire réductionnisme scientiste en privilégiant le modèle biologique et médical, au détriment de l’environnement social et de la réalité psychique », synthétise le collectif dans un communiqué publié en 2015.

La critique est aisée mais l’art difficile. Or, ce qui est particulièrement revigorant, c’est qu’à ce groupe STOP DSM 1 est venu se greffer un autre groupe de psychanalystes, dans lequel on retrouve notamment Patrick Landman, Gérard Pommier, et Olivier Douville, qui propose la création d’un tout nouveau manuel de psychiatrie et de psychanalyse à usage courant. Une réunion s’est tenue fin novembre 2015 en ce sens à la Maison de l’Amérique latine.