Du Kosovo à la Syrie : l'intervention humanitaire armée

Les interventions extérieures pour des motifs humanitaires sont aussi anciennes que la guerre. Le regain des droits de l’homme et des idées démocratiques les favorisent aujourd’hui.

1653031415_facebook-shared-image.jpeg

En tant que mode de justification de la guerre, l’intervention humanitaire armée a toujours existé. Sa présence est attestée en Chine il y a 4 000 ans. Théorisée à la fin du 19e siècle, elle se développe particulièrement dans les années 1990, en raison de plusieurs facteurs combinés : l’effondrement du bloc de l’Est, les efforts de la diplomatie française pour promouvoir le droit d’assistance, le développement de la pratique de l’action humanitaire, le rôle croissant des médias, le développement d’un discours global sur les droits de l’homme, la multiplication des instruments disponibles et enfin la mondialisation, qui réduit la distance entre la victime et l’observateur-intervenant potentiel.

L’« âge d’or » des années 1990

Au début des années 1990, le relatif échec des interventions en Irak et en Somalie entre 1991 et 1993 conduit à une phase de repli non-interventionniste, avec de lourdes conséquences au Rwanda (1994) et en Bosnie (1995). La culpabilité engendrée par ces catastrophes conduit à un retour de l’interventionnisme à la fin des années 1990 (Kosovo et Timor oriental), mais avec une prudence redoublée symbolisée par la doctrine de la guerre « zéro mort ». L’échec de l’interventionnisme conduit donc au non-interventionnisme, et l’échec du non-interventionnisme à l’interventionnisme, et ainsi de suite. La progression est cyclique, toujours basée sur l’échec.

L’intervention au Kosovo en 1999 a la particularité de ne pas avoir été autorisée par le Conseil de sécurité des Nations unies. Elle est donc par définition illégale, puisqu’en droit international ne sont légales que les interventions militaires autorisées par une résolution du Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII (de la Charte), ou celles qui sont justifiées par la légitime défense (article 51 de la Charte). Ceux qui défendent l’intervention au Kosovo parlent alors d’une intervention « illégale mais légitime ». Le problème bien entendu est qu’il n’existe pas de critères objectifs et consensuels pour déterminer la légitimité d’une intervention, qui est donc toujours discutable.

La campagne aérienne de l’Otan au Kosovo a été dénoncée comme une catastrophe humanitaire. La majorité des purges a eu lieu après le début des bombardements, et on a des raisons de croire qu’ils les ont accélérées. Lord Carrington lui-même, ancien ministre des Affaires étrangères britannique, secrétaire général de l’Otan et président de la Conférence européenne sur la Yougoslavie, pense que ce sont les bombardements qui ont causé le nettoyage ethnique.

publicité

On peut en outre avoir des doutes sur l’effet positif de l’opération puisque, selon le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme, le Kosovo était en 2004 une zone beaucoup plus dangereuse qu’en mars 1999, avant l’intervention de l’Otan : la violence ethnique s’est inversée, la minorité serbe étant désormais victime. Ces résultats ambivalents nécessitent que l’on cesse d’idéaliser l’intervention au Kosovo comme un modèle d’intervention humanitaire.