Du « laisser mourir » au « faire mourir » : le débat sur l'euthanasie relancé

La Commission de réflexion sur la fin de vie en France, présidée par le Pr Didier Sicard, a rendu son rapport au président de la République le mois dernier. Quelles en sont les grandes lignes ? Ouvre-t-il la voie à une nouvelle loi sur la fin de vie ? Quels sont les enjeux relatifs à la question en France ?

« On meurt mal en France ». La phrase est prononcée par le député Jean Leonetti sur l’antenne de Radio France, lors de la remise du rapport Sicard le 18 décembre 2012. Parole en forme d’aveu pour le député UMP des Alpes-Maritimes qui a donné son nom à la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie ? Alors que 58 % des Français meurent à l’hôpital, la question de l’accompagnement des personnes malades incurables refait surface avec le dépôt du rapport Sicard. Le gouvernement a annoncé qu’il entend légiférer sur la question en déposant un projet de loi d’ici l’été 2013.

Cette volonté de l’exécutif semble répondre à une réelle demande. Selon les sondages, en effet, entre 80 % et 90 % des Français seraient favorables à une légalisation de l’euthanasie active, soit une aide médicale à mourir. La France s’illustre parmi les pays d’Europe où la question a été publiquement posée à maintes reprises, notamment à travers les cas de Vincent Humbert, Chantal Sébire, Mireille Jospin-Dandieu, Emmanuelle Jensen ou Paulette Druai (voir encadré).

Pourtant, à la lecture du rapport Sicard, l’initiative d’une nouvelle loi est d’emblée questionnée : la France dispose d’un arsenal législatif déjà conséquent sur le sujet, qui ne se résume pas uniquement à la loi Leonetti. Depuis 1987, priorité est en effet accordée à la mise en œuvre des soins palliatifs, avec l’ouverture, cette année-là, du premier service de ce genre sous l’égide de Marie de Hennezel (1). La loi du 9 juin 1999 se charge de garantir l’accès à ces soins palliatifs. La « culture palliative » semble donc solidement implantée en France, malgré des insuffisances notoires, pointées par le rapport Sicard : seuls 2,5 % des patients en fin de vie ont bénéficié d’une prise en charge dans les 120 unités de soins palliatifs (USP) existantes en France (2), et la moyenne des séjours y est de 18 jours (3).

Médecine sans âme ?

La législation relative à la fin de vie en France a aussi contribué à faire respecter davantage les droits des malades à s’opposer à un « acharnement thérapeutique », aussi appelée « obstination déraisonnable » dans la démarche de soins. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner, puis l’emblématique loi Leonetti de 2005 consacrent ce droit.

publicité

Pourtant, reproche est couramment fait aux médecins français d’être restés dans une « culture curative », consistant à vouloir « soigner à tout prix », en proposant sans cesse un nouveau traitement à des patients souffrant de maladies évolutives et incurables (le plus souvent de cancer ou de maladies neuro-dégénératives).