Du miracle à la maladie mentale

Manger un peu, beaucoup, plus du tout, c’est toute une histoire ! D’abord miraculeuse au Moyen-Âge, avant de devenir une maladie. Et à chaque époque, sa médecine spécifique.

230 000 personnes de 15 à 35 ans souffrent d’anorexie mentale et près de 400 000 sont touchées par la boulimie en France aujourd’hui, faisant des troubles du comportement alimentaire (TCA) l’une des grandes maladies féminine des temps modernes. Les chiffres se sont heureusement stabilisés depuis une vingtaine d’années, après une explosion dans la deuxième partie du XXe siècle. Et si le nombre des cas est resté limité avant cette période, l’histoire des TCA commence très tôt, avec des témoignages éclairants dès le Moyen-Âge. À chaque époque, une interprétation bien spécifique de ces troubles.

Ange ou démon…

La gourmandise : un pêché capital. Il n’en a pas fallu davantage pour que le manque d’appétit devienne un signe d’élection pour l’Église. Solen Kermarrec dans sa thèse de médecine 1 rapporte ainsi l’histoire d’une bavaroise du IXe siècle, Freida Von Treuchtlingen, d’abord prise d’appétit immodérée et souffrant d’affaiblissement général. Confiée au monastère de Sainte Walburgis, la nourriture la dégoûte après une journée de prière et la jeune femme qui cesse de manger se sent mieux. On la force à consommer de la viande, elle perd la vue, mais la retrouve après deux jours de prière.

Autre cas célèbre, cinq siècles plus tard : Sainte Catherine de Sienne. Suite à une apparition du Christ, elle se prive de viande dès l’enfance, avant de s’imposer de plus grandes mortifications et de rentrer chez les dominicaines. Bientôt, elle ne s’alimente plus que par l’Eucharistie, tout en étant hyperactive. On parle alors « d’anorexia mirabilis », c’est-à-dire « magnifique », ce qui ne l’empêche pas de mourir à 33 ans en 1380. D’autres cas sont signalés dans la littérature théologique, mais tantôt comme l’œuvre de Dieu, tantôt comme la part du diable…