École, régulation et marché

Comment bien gouverner l’école ? Professeur de science politique à l’université catholique de Louvain, Christian Maroy présente ici une étude approfondie sur les nouvelles politiques éducatives en Europe. Avec un groupe de chercheurs, il aborde les questions cruciales du rôle de l’Etat, de la décentralisation, de la concurrence entre établissements, des relations entre enseignements public et privé. Cinq pays témoins ont été retenus : l’Angleterre, la Belgique, la France, la Hongrie et le Portugal. Pour quatre d’entre eux, les chercheurs ont associé l’analyse de données nationales avec des enquêtes de terrain : dans une ville anglaise, dans le bassin de Charleroi en Belgique, dans deux académies françaises (Créteil et Lille) et dans un district de Budapest. De lecture un peu ardue, cette étude permet néanmoins d’aller au-delà des slogans sur la « marchandisation » de l’éducation et de saisir la complexité des évolutions en cours. Les auteurs mettent notamment en évidence les deux pôles relativement contradictoires entre lesquels oscillent les politiques éducatives contemporaines : la tendance qu’ils qualifient de « quasi-marché », c’est-à-dire la politique de libéralisation de l’offre de formation, et celle de « l’Etat évaluateur », qui essaie de conserver, voire de renforcer son contrôle, mais en privilégiant l’évaluation des résultats au détriment du contrôle a priori. Au-delà de leurs fortes différences nationales, tous ces pays semblent plutôt chercher un compromis entre ces deux modes de gouvernance. L’un de ces compromis consiste à donner aux instances locales un pouvoir accru, qu’il s’agisse des hiérarchies intermédiaires de l’Etat ou des collectivités locales. Partout, les enseignants y perdent une part de l’autonomie qui avait longtemps été constitutive de leur identité professionnelle, tandis que les familles des classes moyennes ont appris à jongler avec ces nouvelles configurations pour élaborer leurs stratégies scolaires.
C’est pourquoi les auteurs appellent en conclusion à trouver de nouveaux modes de régulation locale pour améliorer l’égalité sociale devant l’école.