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L'éducation, combien ça coûte ?
En France, le budget 2009 consacré à l’enseignement secondaire est de 60 milliards d’euros, soit 21 % du budget total de l’État. À cela s’ajoutent 24 milliards d’euros pour l’enseignement supérieur et la recherche. En 2007, la dépense par élève ou par étudiant, tous niveaux confondus, était de 7 470 €. Mais ce chiffre cache des disparités très importantes selon les niveaux : pour s’en tenir aux données 2007, un élève du premier degré occasionne une dépense moyenne de 5 350 €, un élève du second degré 8 870 € et un étudiant du supérieur 10 150 €. Au sein de l’enseignement supérieur, la dépense moyenne par élève de classe préparatoire aux grandes écoles est deux fois supérieure à celle consacrée à un étudiant de l’université.
La dépense intérieure d’éducation représente 6,6 % du PIB français en 2007. Depuis le milieu des années 1990, la part de la richesse créée consacrée à l’éducation est en diminution constante.
En 2005, la France se situait toutefois au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE, mais derrière les États-Unis, la Suède et le Royaume-Uni (voir graphique).
Les systèmes de financement de l’éducation diffèrent selon les pays. Généralement, les dépenses d’éducation sont majoritairement publiques. Ainsi, en France, les dépenses intérieures d’éducation se répartissent entre l’État, les collectivités territoriales, les autres administrations publiques et la CAF, les entreprises et les ménages, l’État et les collectivités territoriales représentant 67 % du total.
Les moyens consacrés à l’éducation déterminent, avec l’évolution de la démographie, les conditions d’accueil et d’encadrement des élèves. En France, ces conditions se sont améliorées depuis les années 1970 : meilleure scolarisation des enfants au niveau de la maternelle, diminution de la taille des classes, amélioration de la proportion d’enseignants pour cent élèves. Toutefois, depuis les années 2002-2003 ces indicateurs stagnent dans le premier degré, du fait de la reprise de la démographie à partir de 2002 et de la progression moins rapide des moyens.
L’état des lieux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour 2006 situe la France en fin de classement en termes de taille des classes. D’autres indicateurs se sont plutôt dégradés dans la période récente : ainsi, comme le montre le dernier rapport sur l’école produit par le ministère de l’Éducation nationale, le taux de scolarisation de la population âgée de 18 ans a nettement progressé de 1985 à 1995, où ce taux atteint près de 85 %, pour diminuer ensuite à un niveau inférieur à 80 %.
Pour autant en 2006, la France se situe en deuxième position derrière la Belgique parmi les pays de l’OCDE en termes de durée de scolarisation.
L'éducation favorise-t-elle la croissance ?
Si les individus ont intérêt à s’éduquer et sont prêts à financer leurs études, pourquoi l’État est-il amené à consacrer une part importante de son budget à l’éducation ? L’éducation favorise-t-elle la création de richesses ? Théoriquement, « le bénéfice [de l’éducation] pour la société est l’augmentation de la valeur du travail de l’individu davantage formé, mesuré par l’accroissement de son salaire brut » (1). Mais en réalité, la relation entre éducation et croissance est loin d’être évidente. En effet, on sait par exemple qu’en Europe, les taux de croissance sont plus faibles dans les années 1990 que dans les années 1960 alors que les niveaux d’éducation sont nettement supérieurs : le nombre moyen d’années d’études est passé de 6,3 dans les années 1960 à 8,7 dans les années 1990, alors que le taux de croissance est passé de 3,9 % à 2,3 %. Mais des travaux économétriques plus poussés et plus précis font toutefois apparaître une relation entre niveau d’éducation et croissance. Enfin d’autres études économétriques parviennent à montrer un lien entre la qualité de l’éducation, mesurée par des tests internationaux de connaissance, et la croissance. Un bon niveau d’éducation permettrait notamment une meilleure adaptation des économies aux innovations technologiques, ce qui expliquerait un taux de croissance plus élevé.
Mais l’éducation n’a pas seulement un effet mesurable sur la croissance, elle produit également des externalités positives, c’est-à-dire des avantages qui ne peuvent être évalués par le marché. Marc Gurgand cite cet exemple : « la présence de travailleurs qualifiés dans une entreprise peut faciliter l’apprentissage des autres travailleurs ». Le bénéfice de l’éducation sur la productivité dans ce cas existe, mais n’est pas mesurable et ne fait pas l’objet d’une rémunération de la part de l’employeur. Il existe d’autres types d’externalités positives, qui apparaissent hors de la sphère productive, et qui doivent également faire l’objet de l’attention de l’État dans le cadre de l’évaluation des politiques éducatives.
NOTE :
(1) Marc Gurgand, Économie de l’éducation, La Découverte , collection Repères, 2005.Etudier plus pour gagner plus ?
Les études supposent différentes dépenses individuelles : frais d’inscription, manuels et matériels scolaires divers, transport, sans oublier le salaire que l’on pourrait gagner en travaillant plutôt qu’en étudiant. Ces dépenses peuvent être analysées comme un investissement, destiné à produire un revenu futur plus élevé que si on ne faisait pas d’études . Si l’on réduit les bénéfices de l’éducation à un revenu monétaire futur, en faisant abstraction de l’enrichissement intellectuel qu’elle apporte, combien sommes-nous prêts individuellement à dépenser pour notre éducation ? Le montant qui nous permettra de maximiser le rendement de chaque année d’études supplémentaire, compte tenu de notre efficacité personnelle.
Toutes les études statistiques montrent une corrélation entre les niveaux de salaires et ceux d’études. Mais selon les pays, les taux de rendement de l’éducation diffèrent fortement : une année supplémentaire d’études apporte un surcroît de salaire relativement plus élevé pour un Brésilien que pour un Allemand. Nombre d’études observent que le gain relatif d’une année d’études supplémentaire est le plus élevé au niveau primaire et dans les pays les moins développés.
Une étude réalisée par Jacob Mincer (1), mettant en relation le salaire avec d’une part le niveau d’éducation et d’autre part l’expérience professionnelle, montre des taux de rendement (l’augmentation du salaire pour une année d’études supplémentaire) assez différents selon les régions du monde : le rendement privé de l’éducation est nettement plus élevé dans les régions les moins riches et les moins développées.
À l’inverse, le retard scolaire a un coût en termes de perte de revenu : comme le montrent Robert Gary-Bobo, Thomas Brodaty et Ana Prieto (2), « une année de retard par apport à la norme, quel que soit le niveau de diplôme, se traduit par un salaire inférieur d’à peu près 9 % en moyenne, pendant les premières années de carrière ». Une année de retard annule les effets d’une année d’études supplémentaire.
Le niveau d’études influence également le taux d’emploi : en France en 2005, 88 % des hommes âgés de 25 à 64 ans ayant un niveau d’études supérieur avaient un emploi, contre 52 % pour ceux n’ayant qu’un niveau d’études primaire. Cela est vrai également pour les femmes, bien qu’elles aient toujours un taux d’emploi inférieur à celui des hommes, quel que soit le niveau d’études.
NOTES :
(1) Jacob Mincer, « Investment in human capital and personal income distribution », Journal of political economy, vol. 66, 1958.
(2) Robert Gary-Bobo, Thomas Brodaty et Ana Prieto « Le coût des retards scolaires », article disponible sur : www.telos-eu.com/fr/article/le_cout_des_retards_scolaires
Augmenter les dépenses améliore-t-il les performances ?
Plusieurs études ont tenté de mesurer l’impact des dépenses d’éducation sur la réussite scolaire des élèves, avec des résultats ambigus. En revanche, s’il est un facteur de réussite scolaire dont l’effet peut clairement ressortir de diverses études, c’est bien l’origine sociale de l’élève. Les statistiques sont claires à cet égard : 75,6 % des élèves dont l’un des parents est cadre suivent une filière d’enseignement supérieur général, 16,5 % une filière technologique et 7,9 % une filière professionnelle. Les enfants d’ouvriers suivent pour 34,1 % d’entre eux une filière générale, 31,6 % une filière technologique et 34,3 % une filière professionnelle (1). L’analyse sur la période allant des années 1930 aux années 1980 montre que si la proportion de bacheliers a progressé dans toutes les catégories socioprofessionnelles, l’écart entre la proportion d’enfants de cadres et la proportion d’enfants d’ouvriers ayant le bac est restée la même.
Au-delà de ce déterminisme social, par quelles politiques influencer le niveau scolaire ? Augmenter la dépense par élève améliore-t-il les performances scolaires ? Dans les écoles situées en zones d’éducation prioritaires (Zep), la dépense par élève est supérieure à celle des autres écoles. Les élèves fréquentant les écoles en Zep ont pourtant un niveau de lecture inférieur à celui des autres élèves. Mais les écoles situées en Zep sont fréquentées par des publics moins favorisés socialement. La question de l’impact des dépenses d’éducation sur le niveau scolaire n’a donc rien d’évident.
La première étude importante sur l’impact des dépenses d’éducation date de 1966, date de la publication d’un rapport écrit par plusieurs sociologues américains sur les discriminations raciales dans les écoles publiques : il apparaissait alors que les ressources des écoles avaient moins d’influence sur la réussite scolaire que le contexte familial. Comme le signale M. Gurgand (2), d’après une étude publiée par l’OCDE en 2004, « il n’existe pas de lien manifeste entre la dépense par élève et les connaissances qui sont très largement acquises à l’école ». M. Gurgand cite également des études temporelles montrant une augmentation des dépenses par élève entre 1970 et 1994, s’accompagnant d’une baisse des performances dans la plupart des pays développés, à l’exception de la Suède. La plupart des études existantes montrent un lien faible entre évolutions des dépenses et des résultats scolaires. Mais la comparaison des résultats obtenus dans des écoles plus ou moins bien dotées doit tenir compte du type de public les fréquentant : ce sont souvent les écoles accueillant les élèves les plus faibles qui disposent de plus de moyens, ce qui est de nature à biaiser les résultats de ce type d’études.
NOTES :
(1) L’état de l’école, n° 18, octobre 2008(2) Marc Gurgand, Économie de l’éducation, La Découverte, collection Repères, 2005.
Faut-il réduire la taille des classes ?
Certaines politiques, comme celle visant à réduire la taille des classes sont coûteuses et la question de leur efficacité se pose. Certaines études montrent que la diminution de la taille des classes n’a qu’un impact faible sur les performances scolaires comme par exemple celle de Ludger Wössman et Martin West (1).
Une analyse statique de la situation en France montrerait que ce sont souvent dans les petites classes que les résultats scolaires sont les moins bons. Mais, selon Thomas Piketty qui a réalisé une étude sur ce thème (2), ces constats doivent être contestés parce qu’ils ne tiennent pas compte du simple fait que les petites classes sont généralement situées dans des zones défavorisées et concentrent les élèves ayant a priori le plus de difficultés. Une bonne évaluation doit corriger ce biais, et c’est à ce travail que Piketty s’est employé, avec des résultats qui contrecarrent l’idée que la réduction de la taille des classes est une mesure coûteuse et peu efficace. En étudiant l’effet sur l’évolution du niveau scolaire d’une réduction significative de la taille d’une classe, toutes choses égales par ailleurs, il s’ensuit une amélioration sensible des résultats scolaires. Pour réaliser cette étude, Thomas Piketty a étudié les écoles dans lesquels une nouvelle classe a été ouverte suite à une augmentation de l’effectif, diminuant ainsi brutalement la taille de chaque classe. Les résultats sont très nettement en faveur de la réduction de la taille des classes dans les Zep. Il estime que la différence entre la taille moyenne des classes de CE1 en Zep (21,9 élèves) et hors Zep (23,3) permet de réduire d’environ 10 % l’écart obtenu aux évaluations de mathématiques de début de CE2. Or « cet écart pourrait être réduit d’environ 40% si l’on mettait en place une politique de ciblage des moyens forte avec une taille de classe moyenne de 18,0 en Zep et 24,2 hors Zep (pour un nombre total d’enseignants inchangé et donc des moyens constants au niveau national) ».
NOTES :
(1) Ludger Wössman et Martin West «Class-size effects in school systems around the world: Evidence from between-grade variation in TIMSS» European Economic Review vol. 50 n°3, 2006.(2) Thomas Piketty, «L’impact de la taille des classes et de la ségrégation sociale sur la réussite scolaire dans les écoles françaises», EHESS, mai 2004.
La concurrence publc/privé améliore-t-elle le niveau général ?
Des économistes de l’éducation ont tenté de comparer les résultats des établissements publics et privés. Que les écoles privées obtiennent généralement de meilleurs résultats que les écoles publiques ne prouve pas grand-chose, puisque les publics fréquentant chacun des systèmes sont à la base différents. Des économistes américains ont étudié les résultats scolaires d’élèves d’origine sociale modeste, tirés au sort pour être inscrits dans des écoles privées, avec une subvention. Il apparaît que les résultats pour ces élèves sont à peu près identiques à ceux obtenus dans le public.
Il est difficile de faire la part de la qualité de l’enseignement et de la qualité des élèves. Les économistes se sont alors posé la question de la mise en concurrence des écoles. Ainsi, le Chili a expérimenté à grande échelle la mise en concurrence des écoles publiques et privées à partir des années 1980 : dans les écoles publiques, le recrutement des enseignants est géré localement et de manière autonome, et le budget, géré nationalement, dépend du nombre d’élèves. Ainsi, les écoles sont incitées à attirer le maximum d’élèves pour bénéficier de budgets plus importants. En outre, afin que le choix des familles ne soit pas contraint par le montant des droits d’inscription dans les écoles privées, celles-ci bénéficient de financements publics lorsqu’elles ne demandent pas de droits d’inscription aux familles. Ainsi, un élève issu d’une famille pauvre peut choisir de s’inscrire dans une école privée, sans que celle-ci soit incitée à sélectionner les élèves sur des critères financiers.
Au bout de vingt ans, la proportion d’inscriptions dans le public a diminué mais reste majoritaire. En revanche, dans les communes où le privé s’est le plus développé, le niveau moyen des élèves, privé et public confondus, n’a pas augmenté de manière significative, mais les inégalités se sont accrues entre écoles privées et publiques : le niveau des écoles publiques s’est dégradé alors que celui des écoles privées s’est amélioré. Ainsi, le moins que l’on puisse dire est que la mise en concurrence des établissements ne produit pas d’effets clairement positifs sur le niveau général d’éducation.
Bibliographie
Économie de l’ÉducationMarc Gurgand, La Découverte, Coll. Repères, 2005.
Économie de l’éducation
Jean-Jacques Paul, Armand Colin, 2007.
Regards sur l’éducation 2008
OCDE, 2008.
Les effets de l’éducation
Christian Baudelot et François Leclercq (dir.), rapport à l’intention du Piref, La Documentation française, 2005.