Dès la conquête de l’Amérique du Sud par les Espagnols au 16e siècle, des rumeurs avaient circulé sur l’existence d’un pays où l’on trouvait de l’or à profusion. Sans doute propagées à l’origine par les Indiens désireux de se débarrasser ainsi des conquérants, elles étaient renforcées par la crédulité des nouveaux venus. Dans la société espagnole d’alors, férue de culture classique et convaincue de vivre au Nouveau Monde une épopée digne de l’Antiquité, il n’est pas étonnant qu’aient ressurgi, sous des formes adaptées, des mythes comparables à celui du fleuve Pactole.
Un chef au corps couvert de poudre d’or
Le terme « Indio dorado », l’« Indien doré », apparaît en 1542. Il s’applique à un chef revêtu d’une cuirasse en métal précieux, qui dans la région de Quito aurait cherché à reprendre la lutte contre les Espagnols. Le mot « Dorado » désigne dès lors cette personne ainsi que son pays d’origine. Selon le chroniqueur Gonzalo Fernández de Oviedo, l’Indien Dorado était devenu, « de la bouche des Indiens », un grand prince « entièrement recouvert d’or, de la tête aux pieds et aussi brillant qu’un bijou doré sorti des mains d’un grand orfèvre ». Il disposait « de très riches mines de cette sorte d’or » et l’utilisait en poudre, collée chaque matin à la peau et enlevée par un bain chaque soir.
En 1542, l’explorateur Sebastián de Benalcázar partit à la conquête « du pays du Dorado et de la cannelle ». L’entreprise fut un désastre. Mais le monde amazonien fascinait les Espagnols. Rien d’étonnant à ce qu’ils y situèrent cet Eldorado qui les hantait. Ils le crurent à portée de main lorsqu’en 1549 des Indiens venus du Brésil racontèrent avoir vu, autour d’un grand lac, une population dont l’unique occupation était l’or. Plusieurs expéditions dont celle, en 1559, de Pedro de Ursúa, s’y perdirent.