En EHPAD, se souvenir des belles choses Entretien avec Dominique Cojan et Jean-Eric Fray

Convoquer les souvenirs joyeux de personnes âgées : c’est la tâche à laquelle se sont attelés deux écrivains. Leur ouvrage prend le contre-pied des discours habituels sur le grand âge.


> Dominique Cojan et Jean-Eric Fray

En marge de leurs carrières dans le management, la formation et le conseil aux entreprises, ils se lancent dans l’édition du recueil Yvonne ne veut pas partir, publié en 2019 par l’association éditrice qu’ils ont eux-mêmes créée, La huppe messagère.


Pendant deux ans, vous avez rassemblé des souvenirs joyeux recueillis auprès d’une cinquantaine de personnes âgées de l’Yonne. Comment est née cette idée ?

Dominique Cojan : Tout est parti d’une question, ou plutôt de plusieurs questions que nous avons pu nous poser, l’un comme l’autre, sur notre histoire familiale. Des questions restées sans réponse, car il était trop tard pour les poser à nos parents disparus. On se dit tout d’abord que c’est exceptionnel, que l’on est un cas particulier… Or, en interrogeant notre entourage, on s’est rendu compte que le constat était en réalité assez généralisé : de certains moments de la vie de nos parents ou de nos grands-parents, a fortiori les moments joyeux, on sait finalement peu de choses. Lorsque l’on visite ses parents âgés, surtout lorsqu’ils résident en Ehpad, on se cantonne bien souvent à des questions du type : « Tu as bien mangé ? », « Tu as bien pris tes médicaments ? », « Tu as du linge à laver ? »… Je caricature un peu, mais pas tant que cela. Quand nos parents prennent de l’âge, on se soucie en effet surtout de savoir comment ils vont maintenant. Ce faisant, on tend parfois à ne plus les voir que comme des personnes « âgées », et l’on oublie de s’adresser à eux en tant que personnes, porteuses de mémoire et de souvenirs. C’est ce que nous avons voulu faire à travers ce projet.

Jean-Eric Fray : L’idée de départ était de mettre notre temps à disposition de ces personnes âgées. À l’origine, nous n’avions d’ailleurs pas l’ambition de publier un livre : c’est au fur et à mesure de ces rencontres, en prenant la mesure de la richesse de leurs récits, que l’on s’est dit qu’il fallait absolument les partager. Et si cela peut donner l’envie à certains lecteurs d’aller demander à leurs propres parents « Qu’est-ce qui t’a apporté de la joie dans la vie ? », nous aurons alors touché notre but ! Car c’est précisément cela que nous voulons faire passer à travers notre démarche.