Un amnésique inoubliable
Henry Molaison a figuré en bonne place dans l’histoire de la psychologie, sous ses initiales et pendant une cinquantaine d’années, sans en avoir la moindre idée. Il ne pouvait pas le savoir, ou plus exactement le retenir. C’est en 1953, dans le Connecticut, qu’on l’opère en désespoir de cause pour venir à bout de crises d’épilepsie trop résistantes. On procède à l’ablation des régions cérébrales jugées au foyer des crises, notamment l’hippocampe, et des deux côtés. Victoire ! L’épilepsie est vaincue. Hélas ! Les effets secondaires sont terribles : Molaison ne peut plus enregistrer aucune information. Le voilà figé dans le monde qu’il a connu jusqu’alors. Tout au plus parvient-il à assimiler une poignée de termes inédits et automatiser des gestes nouveaux, sans conserver aucun souvenir de ses apprentissages. Durant toute sa vie, il verra le monde comme à 27 ans. Brenda Milner, psychologue canadienne (1918- ) formée auprès de Wilder Penfield, va l’accompagner sans qu’il la reconnaisse jamais. Après sa mort, son cerveau sera découpé en 2 401 lamelles à l’université de San Diego, numérisé, puis consultable en ligne.
• Serge Nicolas, Pascale Piolino. De Boeck, 2010.