Entre science et réalité. La construction sociale de quoi ?

Ian Hacking, La Découverte, 298 p., 164 F.

Ian Hacking est un épatant philosophe canadien récemment nommé au Collège de France, où l'on pourra donc bientôt l'écouter. Il est l'auteur de nombreux travaux sur l'histoire des sciences, dont une remarquable étude sur l'émergence du symptôme de personnalité multiple dans la psychiatrie anglo-saxonne (L'Ame réécrite, 1998). Dans ce traité, un peu plus théorique, il présente et discute les enjeux du constructivisme appliqué aux sciences naturelles, objet de réactions si vives qu'elles vont jusqu'à la polémique médiatique (se rappeler l'affaire Sokal). Le plan de l'exposé est très excitant : I. Hacking écarte d'abord les usages purement décoratifs du constructivisme, puis tente d'identifier les points précis sur lesquels il heurte les convictions de ses adversaires, qu'ils soient scientifiques ou philosophes. Il écarte les notions, trop vagues, de « réalité » et de « vérité » et retient trois objets de controverse : la contingence des théories et des programmes, le nominalisme des concepts et les raisons de la stabilité des savoirs. Il propose ensuite d'analyser sous cet angle différents exemples d'acquis scientifiques : les équations de Maxwell, la folie, la typologie des minéraux...

Malheureusement, à partir de la seconde moitié de ce livre, la compréhension du texte de I. Hacking pose un problème de fond : il est d'une obscurité peu commune. S'agit-il d'un problème de traduction ? C'est probable, car la syntaxe de ces pages est ardue. On se lasse vite d'essayer de l'interpréter. Mieux vaut dans ce cas se reporter à l'original (The Social Construction of What?, Harvard University Press, 1999).