Comment avez-vous été amené à filmer de grands psychanalystes, en 1983 d’abord ?
Dans les années 1970, en tant que sociologue, j’ai étudié, en France et aux États-Unis, les pratiques thérapeutiques éloignées du champ traditionnel de la médecine et de la psychiatrie : les guérisseurs, les pratiques comme la bioénergie, la Gestalt-thérapie, le cri primal… Puis j’ai voulu étudier le noyau dur de la culture psychothérapeutique moderne : la psychanalyse. J’ai sollicité des analystes connus comme André Green ou Jean-Bertrand Pontalis, mais aussi un tiers de débutants, qui tous se référaient à Freud, lacaniens ou non. Il ne s’agissait pas d’une enquête statistiquement représentative, mais qualitative, avec des questions ouvertes dont les réponses n’étaient pas préparées par les intéressés : qu’est-ce qu’être psychanalyste ? À quoi sert une analyse ? Pourquoi dure-t-elle longtemps ? Quel est le rôle de l’argent ? Plutôt que de simples entretiens enregistrés au magnétophone, je trouvais intéressant de voir ce qui passait par les expressions du visage. Ces films sont restés à l’état de rushes pendant des années, le CNRS, auquel j’étais rattaché, n’ayant pu les faire diffuser par la télévision qui les trouvait parfois trop austères.