L’annonce d’une maladie grave est un choc. Quelles sont les premières réactions des parents concernés vis-à-vis de leurs enfants ?
Ils pensent à ce que vont devenir les enfants sans eux, au fait qu’ils ne les verront peut-être pas grandir, et surtout qu’ils ne pourront pas les mener là où ils le souhaitaient : ces interrogations se bousculent dans l’esprit des malades. Ils en viennent ensuite à se demander s’ils doivent dire ce qui leur arrive à leurs enfants. Et là, il faut vraiment un temps de réflexion pour avoir un comportement adapté. À l’annonce de la maladie, la pensée est d’abord envahie par l’angoisse, comme dans tous les chocs émotionnels forts. Il est impossible, dans cet état, de réfléchir, de peser le pour et le contre. Avant de parler à l’enfant, il faut aux parents le temps d’amortir le choc.
C’est à ce moment que vous intervenez ?
En général, non, pas au moment de l’annonce du diagnostic. À ce stade, le psy n’intervient que si le patient le demande ou si nous constatons que le patient a une attitude très pathologique. Ce n’est pas forcément le moment de voir un psy. C’est davantage celui de la solidarité familiale et amicale. Parce que nous connaissons bien cet état de sidération et ses effets immédiats, nous recommandons d’ailleurs aux patients de venir consulter avec une personne qui sera témoin de ce qui va être dit. C’est essentiel, car la personne malade est tellement sidérée qu’elle n’entend plus quoi que ce soit.
Nous voyons les patients un peu plus tard, quand ils ont commencé à intégrer ce qui leur arrivait ou juste avant leur premier traitement.
Vous dites qu’il faut dire la vérité aux enfants. N’est-ce pas antinomique avec le désir bien naturel de les protéger ?
Le premier réflexe est certes de vouloir protéger ses enfants, donc de ne pas leur annoncer la maladie. Mais quand on ne leur dit rien, on fait tout sauf les protéger, on fait même exactement le contraire de ce que l’on voudrait faire ! Paradoxalement, c’est le désir de protéger son enfant qui creuse le fossé avec l’adulte malade ou son conjoint. Le non-dit succède aux paroles fluides de la veille, tel un mur de silence que l’enfant ne peut ni comprendre ni accepter. Si on ne dit rien, on ne fait qu’augmenter son angoisse, une angoisse diffuse mais bien présente, sur laquelle il ne peut mettre aucune explication alors qu’il sent qu’il se passe des choses. Or, ce que l’enfant imagine est toujours pire que la réalité.