En quoi la mort en 1477 du duc de Bourgogne, territoire situé en dehors du royaume, fut-elle une « journée qui a fait la France » ? Contrairement à ce que nous avons appris à l’école, dans les films et les romans, Louis XI n’y prit que peu part et n’en tira pas tout le bénéfice politique escompté. Si cet évènement compte, selon Jean-Baptiste Santamaria, « c’est d’abord par un fait inaccoutumé : l’élimination soudaine d’une puissance et d’un adversaire qui, bien que vassal du roi, avait en partie reproduit le modèle monarchique au point de se sentir capable de faire jeu égal avec la puissance de Louis XI ». Car rien ne permettait d’envisager une telle catastrophe. Charles « le Travaillant », qui ne fut surnommé « le Téméraire » que plus tard, avait toutes les cartes en main pour accomplir son grand dessein : devenir roi, et peut-être empereur. L’auteur démonte avec brio toutes les chausse-trapes de l’historiographie postérieure, qui voudrait que la bataille de Nancy ait été l’ultime épisode d’une lente déchéance et que, comme Napoléon plus tard, Charles le « Grand Turc » ait connu son « hiver de Moscou ». Comme les morts accidentelles de Charles VIII et de Henri II, le décès du Téméraire n’était pas prévisible : « Certes, le duc de Bourgogne était mal parti au matin du 5 janvier, mais sa défaite personnelle ne signifiait pas que l’État bourguignon ait été condamné à périr. » Le sort des armes en a décidé autrement.