Être psy (en l’occurrence psychanalyste) regroupe des entretiens réalisés par le sociologue Daniel Friedmann avec des praticiens à 25 ans d’intervalle, en 1983 et en 2008. Quasi hégémonique à l’époque des premiers documents, la psychanalyse française, après son recul dans le champ psychiatrique et l’irruption tonitruante des neurosciences, du cognitivisme et des thérapies cognitivo-comportementales, se trouve aujourd’hui en « résistance à ce qui lui résiste », pour reprendre l’expression d’une des intervenantes, Catherine Millot. Les réactions des interviewés varient alors de l’acceptation (les psychanalystes ont « des choses à apprendre » de ces nouvelles approches, pour Eduardo Prado de Oliveira) au scepticisme (elles « n’apportent rien », selon André Green), voire à l’hostilité assumée (elles sont l’apanage des « barbares du scientisme », pour Elisabeth Roudinesco). Le discours de cette dernière reflète d’ailleurs l’incertitude quant à la pérennité de la discipline, « irremplaçable » mais pouvant « disparaître dans le refoulement » d’une « société de masse » marquée par la « désintellectualisation ». Jean-Paul Valabrega résume ces soubresauts par une « loi d’alternance » exposant la psychanalyse à des phases d’expansion et de rejet. En attendant qu’elle reprenne donc du poil de la bête, ce coffret constitue une introduction indispensable non seulement à la pratique analytique, mais à la riche évolution de ses figures marquantes en un quart de siècle.
Marc Olano