Europe : les racines d'une polémique

Un ouvrage sur les traductions médiévales de l’œuvre d’Aristote provoque une guerre des mémoires. Est-ce logique ?

Aristote au mont Saint-Michel. Le titre est énigmatique. Il fleure bon l’analyse érudite de la scolastique médiévale. Le sous-titre, « Les racines grecques de l’Europe chrétienne », laisse en revanche pressentir une prise de position idéologique. L’association contradictoire de ces deux éléments de titraille condense toute l’ambiguïté véhiculée par le dernier livre de Sylvain Gouguenheim, professeur d’histoire médiévale à l’ENS de Lyon. On ne sait plus dans quelle catégorie le ranger. Est-ce un opus de médiéviste qui s’élève contre certaines idées reçues ? Ou un réquisitoire politiquement incorrect ?

À la lecture, on ne peut que constater que l’auteur mélange sans nuance les deux genres : la forme littéraire est celle du pavé d’histoire, étayé par de multiples références qui renvoient à un conséquent appareil de notes. Le contenu est celui du pamphlet, genre qui pousse à forcer le trait. La formule était inédite, potentiellement explosive. Elle a déclenché une belle polémique. Premier épisode : le philosophe Roger-Pol Droit recense Aristote au mont Saint-Michel dans le quotidien Le Monde du 4 avril 2008. Alors que ce même R.-P. Droit vient pour sa part de publier L’Occident expliqué à tout le monde (Seuil, 2008), où il défend que l’Occident et lui seul est porteur de valeurs universalistes. Et R.-P. Droit de conclure son article par cette sentence : « Précis, argumenté, ce livre qui remet l’histoire à l’heure est aussi fort courageux. »