La tentation d’étendre les mécanismes de l’évolution aux comportements de l’être humain ne date pas d’hier. Charles Darwin lui-même, en 1871, exprimait le vœu qu’une science unifiée du comportement animal et humain soit un jour constituée. Elle est aujourd’hui relayée par une constellation de recherches animées du même projet : expliquer des conduites humaines actuelles à l’aide des raisons qui pèsent sur l’évolution du vivant en général. La plus structurée de ces disciplines s’appelle « psychologie évolutionniste ».
Évoluer pour s’adapter
Lancée à la fin des années 1980, l’« évopsy » a été formalisée par Leda Cosmides, John Tooby et Jerome Barkow autour de quelques principes : la relative lenteur de l’évolution biologique (par rapport à l’histoire des cultures humaines), la modularité de l’esprit (les conduites sont gouvernées par des modules cérébraux spécialisés), la large diffusion, sinon l’universalité, des conduites observées. La démarche consiste à rapporter à des contraintes anciennes (qui prévalaient chez nos ancêtres chasseurs-cueilleurs) des traits, des attitudes, des comportements, des aptitudes ou des anomalies que l’on observe actuellement dans l’espèce humaine, toutes cultures confondues. Pour chacun de ces traits, une hypothèse évolutive est avancée : remis dans le contexte ancien, le trait est considéré comme expliqué quand sa valeur adaptative, c’est-à-dire avantageuse du point de vue de sa reproduction ou de son maintien, est démontrée. La psychologie du développement montre, par exemple, que le bébé humain naît équipé de compétences et d’instincts tels que la reconnaissance des visages, la distinction entre êtres animés et inanimés et l’aptitude au langage : la tâche de l’évopsy est de montrer en quoi ces capacités ont été utiles à la survie de nos ancêtres.