François Louboff, Guérir d’un abus sexuel, Les Arènes, 340 pages, 22 euros.
Une femme sur quatre et un homme sur six ont été victimes d’un abus sexuel avant 18 ans. Malgré le temps, ils continuent à souffrir, en silence. À la culpabilité s’ajoutent parfois la dépression, les dépendances, les douleurs inexpliquées, les problèmes sexuels, etc., qu’ils ne relient pas toujours à ce traumatisme. Pour tourner la page, la parole ne suffit pas. Raconter fait même mal, parfois. C’est au cœur des émotions qu’il faut chercher la guérison, notamment grâce à l’EMDR. Si l’on ne peut pas oublier, on peut « digérer » le traumatisme. Comprendre est aussi un chemin pour retrouver le bien-être et la dignité : savoir qu’un enfant abusé ne devient abuseur que dans 12 % des cas, savoir que pardonner ou aller en justice n’est pas toujours la bonne solution. Les nombreux conseils du Dr Louboff redonnent espoir : Comment retrouver la confiance ? Comment sortir du statut de victime ? Faut-il en parler à ses enfants ? À son conjoint ?
François Louboff
François Louboff est médecin-psychiatre et psychothérapeute, formé aux TCCs, à l’hypnose, à l’EMDR. Il est spécialisé dans le traitement des traumatismes. Il est l’auteur de Dire Adieu. Petit guide psychologique du deuil, paru en 2013, aux Editions Payot.
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LE SOUVENIR
Y a-t-il des personnes qui ont oublié ce qu’elles avaient subi ?
Événement banal ou traumatique : on ne mémorise pas de la même façon. Nous constatons souvent que nos expériences familières sont facilement assimilées et mémorisées, mais que le souvenir devient de plus en plus flou avec le temps. À l’opposé, certains événements traumatiques se figent dans notre mémoire, insensibles au temps qui passe et aux événements heureux que nous vivons par la suite. Pourquoi cette différence ? (…)
La dissociation traumatique perturbe la mémorisation
Lorsqu’une personne est confrontée à un événement traumatique associant terreur et impuissance, sa capacité d’attention est brutalement réduite et sa capacité à percevoir ce qui se passe autour d’elle est très altérée. Non seulement les détails perçus dans la périphérie de son champ de vision disparaissent, mais aussi le contexte de ce qui est en train de se produire, ainsi que sa perception du temps. Par contre, son attention est concentrée sur le centre de son champ de vision à l’instant présent. Cette focalisation extrême de l’attention s’accompagne de distorsions très importantes de ce qui est perçu et ressenti, provoquant une insensibilité à la douleur, un vécu de dépersonnalisation, un ralentissement du temps et une amnésie. C’est un état dissociatif. Les événements traumatiques ont ce pouvoir de provoquer des réactions dissociatives. Certaines personnes peuvent se dissocier spontanément face à la terreur et d’autres vont « apprendre », involontairement, à provoquer cet état, en particulier si elles sont exposées de manière répétée à des événements traumatiques.
Ces altérations profondes de la conscience au moment du traumatisme expliquent certaines caractéristiques anormales des souvenirs traumatiques. En raison de cette attention très focalisée, les sensations vécues par le corps et toutes les autres (odeurs, bruits, images) vont être profondément gravées en mémoire, alors que le contexte, le vécu du temps et le récit verbal vont être faiblement enregistrés.