L’INTOLÉRANTE A DES AMIS (QUAND MÊME)
Ma vie d’intolérante en soirées, ça commence par mettre mon nom sur mon paquet de chips et mon pot de guacamole. Je lèche toutes les tomates cerise et j’apporte mon paquet de gâteaux. Je me trimballe avec et je rentre à la maison avec. C’est super-pratique, surtout pour aller faire pipi ou pour serrer la main, faire la bise, danser, ce genre de choses. Ce n’est pas que je n’aime pas partager, mais le paquet de gâteaux coûte 5 euros, personne ne va trouver ça bon, et les chips, le guacamole et les tomates cerise sont, en général, les seuls trucs que je peux manger à une fête de tolérants, donc je les protège. En fait, c’est surtout moi que je protège.
Parce que si vous trempez votre grissino au gluten dans mon guacamole, je suis morte. Enfin plutôt, pour moi la soirée est finie, retour maison dodo.
En revanche, hyper-cool, je ne suis pas obligée de rester jusqu’au gâteau quand je m’ennuie aux anniversaires. Je sais que je ne vais rien louper. Et puis, tout le monde est plutôt soulagé au fond, que je ne sois pas là lors de la dégustation du gâteau incroyable qui m’est interdit, bien sûr. Autre avantage : personne ne doute que c’est vraiment et seulement pour faire plaisir que je suis là. Pas pour manger gratos.
J’ai découvert récemment un truc génial : c’est moi qui apporte le gâteau d’anniversaire. Je cours, je vole, dépenser 25 euros pour la version entière du cheesecake végane et sans gluten de Vegan Folie’s, et je reviens très souvent avec à la maison après la soirée, parce que tout le monde a trouvé ça dégueulasse.
« Ça n’a pas de goût, ton truc !
– Si, si, c’est toi qui es trop habitué à la nourriture chimique, je t’assure. Joyeux anniversaire ! »
Lorsque c’est moins marrant, c’est quand tu es à un festival de musique branché, ou que tu sors avec les potes de ton nouveau mec, et que tout le monde carbure à la bière à 2 euros, sauf toi, qui passes du coup pour une bourge, avec ton verre de vin, ou pour une coincée qui ne sait pas faire la fête, avec ta bouteille d’eau. Mais laissez-moi vivre, enfin !
L’intolérante que je suis classe ses amis dans plusieurs catégories. Face à l’intolérance, la valeur de l’amitié n’attend point le nombre des années. J’ai un peu arrangé la phrase de Corneille pour dire qu’en gros ceux qui me connaissent depuis longtemps ne sont pas forcément les plus cool, les plus compréhensifs face à mes intolérances. Mes amis d’enfance : « Ah bon, toi, tu étais malade ? » Je leur pardonne, ils sont eux-mêmes gluténisés, donc ils n’ont pas de mémoire. Ou sont juste bêtes. Non, surtout ça veut dire que je ne laissais rien paraître. Stoïque, l’intolérante.
Parmi mes amis, il y a aussi les radins, ou « amis crevards ». « Euh, OK, on va bruncher dans ton truc sans gluten, mais c’est toi qui m’invites. Ça coûte très cher. »
Il y a aussi les mecs qui trouvent ça drôle. Ils en profitent pour faire de l’humour : « Ouais, donc en gros, toi, tu es bannie de toutes les régions de France. La Bretagne, les palets bretons purs beurre, les kouign-amanns, c’est pas bon pour toi. La fondue savoyarde, non plus. » Fais le malin, mon pote, vas-y. En attendant, c’est toi qui m’invites.
Il y a aussi ceux qui sont plus stressés que moi :