L’enfant
Maria Montessori, L’Enfant, Desclée de Brouwer, 2018, 320 pages, 19 euros.
L’Enfant reste le texte de référence de Maria Montessori et la meilleure introduction à sa proposition pédagogique. Il met en évidence l’originalité et la modernité des idées de la grande éducatrice italienne. Elle y expose clairement les principes d’une éducation fondée sur le « respect de la personnalité de l’enfant ».
Aider l’enfant à exprimer son individualité et révéler ses potentiels, lui donner les moyens de développer le meilleur de lui-même dans le respect de sa nature, pour lui-même et au service de tous, tel est le rôle de l’éducateur et telles sont les voies des pédagogies nouvelles. Ce projet ne cesse, depuis plus d’un siècle, d’inspirer théoriciens et praticiens de l’éducation.
Jusqu’ici, la traduction française de cet ouvrage majeur ne proposait que les deux premières parties – déjà incomplètes – de la version originale rédigée en espagnol ; certains paragraphes avaient été tronqués, d’autres déplacés et la troisième partie avait été omise. Cette nouvelle édition intégrale offre onze nouveaux chapitres inédits sur des sujets essentiels tels que les rapports entre les générations et le droit des enfants. Les éditions Desclée de Brouwer offrent enfin ce texte complet au lecteur francophone, dans la présentation revue au soir de sa vie par Maria Montessori.
Maria Montessori
Maria Montessori (1870-1952) est mondialement connue pour la proposition pédagogique et éducative qui porte son nom. Son œuvre est éditée en français aux éditions Desclée de Brouwer. Traduction et révision par Charlotte Poussin, éducatrice Montessori AMI, auteur d’ouvrages de référence sur Montessori et membre du conseil d’administration de l’association Montessori de France.
L’importance de l’environnement
Nous devons regarder en face cette vérité impressionnante : l’enfant a une vie psychique qui est passée inaperçue du fait de la délicatesse de ses manifestations, au point que l’adulte risque d’en briser inconsciemment les élans.
L’environnement de l’adulte n’est pas fait pour l’enfant ; il est composé d’une série d’obstacles au travers desquels celui-ci développe des réactions de défense, des déformations, et qui font de l’enfant une victime de suggestion. Comme c’est sur cette apparence extérieure de l’enfant que sa psychologie a été étudiée et que ses caractères ont été jugés afin de servir de fondements à l’éducation, il faut radicalement réviser cette science. Nous avons constaté que sous chacune des réponses qui nous surprennent chez l’enfant, se trouve une énigme à déchirer ; chacun de ses caprices est dû à une cause profonde et ne doit pas être interprété comme une réaction superficielle ; c’est l’explosion d’un caractère supérieur, essentiel, qui cherche à se manifester. C’est comme si une tempête empêchait l’âme de l’enfant de sortir de son recoin secret pour se révéler à l’extérieur.
Il est évident que tous ces camouflages masquent l’âme véritable de l’enfant, cachée derrière les efforts qu’il soutient pour réaliser sa vie ; ces caprices, ces luttes, ces déformations ne peuvent pas nous donner l’idée d’une personnalité. Ils ne représentent qu’une somme de caractères. Il doit pourtant exister une personnalité dans l’embryon qu’est l’enfant et dont le développement psychique suit un plan constructif. Il s’agit d’un homme cultivé, d’un enfant inconnu, d’un être vivant séquestré, qu’il faut libérer.
Tel est le devoir le plus urgent de l’éducation ; et, dans ce sens, libérer revient à connaître ; il s’agit donc de mettre en lumière ce qui est encore inconnu.
La différence essentielle entre les recherches en psychanalyse et cette psychologie de l’enfant inconnu réside avant tout dans le fait que le secret du subconscient de l’adulte reste emprisonné dans l’individu même. C’est à l’individu qu’il faut s’adresser pour l’aider à démêler un écheveau qui s’est enchevêtré à force d’adaptations complexes et difficiles, sous des symboles et des distorsions organisées au cours d’une longue vie. Le secret de l’enfant, au contraire, est à peine caché. C’est sur l’environnement qu’il faut agir pour libérer ses manifestations ; l’enfant se trouve dans une période de création, il suffit d’ouvrir la porte. Ce qui est en voie de création, passant du néant à l’existant et qui ce faisant transforme le potentiel en réel, ne peut pas être à l’origine de complications et, s’il s’agit d’une énergie en expansion, elle n’a aucune difficulté à se manifester.