Extrait de l'ouvrage : La gestion de l'agressivité en institution

« Gérer l’agressivité d’une personne ne signifie pas la vaincre, ce genre d’idée n’a strictement aucun sens du point de vue soignant, éducatif ou thérapeutique. Gérer consiste à proposer un mode d’accompagnement dans lequel le soignant est branché sur les besoins et les difficultés 
de son partenaire. »

Chapitre 10

La question de la sécurité

(...) Les intentions agressives sont le plus souvent défensives, ensuite expressives et enfin, le cas échéant, instrumentales. Dans le premier cas, la prévention fait des miracles, dans le second, elle permet de générer du lien, dans le troisième, elle nous permet d’anticiper ce qui pourrait se passer et donc, de rester en sécurité.

Il me semble que la sécurité peut être installée en travaillant sur les trois axes suivants : encourager la détente, diminuer la peur et favoriser l’ouverture et le dialogue.

Il ne s’agit pas d’un modèle et bien d’autres éléments de sécurité peuvent sans doute avoir un effet bénéfique, il s’agit de ce que mon expérience m’a appris, au travers d’une pratique avec des adolescents délinquants et des personnes avec troubles psychiatriques.

favoriser la détente

La personne qui est en situation agressive ou qui porte les marqueurs de cette possibilité (alcoolisation importante par exem­ple, discours relevant d’une forme de délire de persécution, etc.) est en si­tuation élevée d’énergie. Très probablement, son émotion dominante relève de la colère.

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Les personnes en colère peuvent se calmer par elles-mêmes si elles en ont les moyens. Par exemple, en leur proposant de changer de lieu, pour passer à un endroit dans lequel l’atmosphère sera plus calme, plus neutre, plus petite au niveau de la taille (effet de réincorporation) et dans laquelle on pourra plus facilement s’asseoir à une table et discuter de la situation problématique.

(…) Dans tous les cas, il est important d’être vigilant à la notion de masse critique, c’est-à-dire du nombre de personnes présentes autour du sujet qui monte dans ses niveaux d’agressivité.

(…) Avoir en face de soi 5 ou 6 professionnels peut être rassurant, mais en état d’agressivité, la pensée ne fonctionne plus, seules les émotions et certaines pensées automatiques ont cours, et pour quelques personnes, le nombre de professionnels est une provocation, et donc une invitation au passage à l’acte.

La masse critique n’est utile, et encore, il faut relativiser, que lorsque les professionnels ont décidé que le dialogue n’était plus pos­sible et qu’il fallait en passer par des mesures de contention, voire de sédation.

Diminuer la peur

Gérer l’espace

(…) La première idée, dans une situation potentiellement agressive, consiste à gérer notre relation dans l’espace, que l’on se trouve dans un service hospitalier somatique, psychiatrique, un foyer ou même un EHPAD. À moins que le patient soit cloué sur son lit ou encore sur un fauteuil (non roulant), le fonctionnement agressif peut mettre le sujet en action et le faire venir vers nous. Il est donc de toute première importante d’être au clair avec l’espace. Gérer un individu agressif consiste à se tenir sur une scène toute particulière et comme tout travail sur scène, il convient de bien la comprendre, de bien la sentir, d’en repérer les lignes de fuite, les objets encombrants, les objets qui pourraient, le cas échéant, devenir des armes (projection du bol de soupe placé sur l’adaptable à portée de main du patient ou la potence à perfusion, ou encore le déambulateur, etc.), les issues, les moyens de protection. Si passage à l’acte physique il y a, celui-ci aura lieu sur cette scène singulière. C’est pour cela qu’il convient de toujours rester près de la sortie de la pièce dans laquelle se déroule la relation. (…) Comprendre et gérer l’espace de la relation est le premier élément de ce que l’on pourrait nommer une intelligence situationnelle.