Extrait de l'ouvrage : La vie sexuelle des enfants

« L’étudiante connaissait une petite fille d’un an, la fille d’une de ses amies, qui se masturbait en se tortillant sur sa chaise d’enfant. Elle devenait alors toute rouge, elle couinait un peu, puis s’endormait. »

Plaisir solitaire ?

La sexualité des enfants ? Les étudiants ne paraissent guère excités à la perspective des heures à venir. Il suffit d’une question, cependant, pour que leur intérêt commence à s’éveiller :

À partir de quel âge l’érection, la lubrification et l’orgasme sont-ils possibles chez l’humain ?

Une étudiante lève la main :

À partir de la puberté, répond-elle avec assurance.

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Tout le monde est de cet avis ?

Certains hochent du chef, mais d’autres mains se lèvent. Je donne la parole à un étudiant :

Je dirais plutôt huit ou neuf ans.

— Et pour quelle raison ?

— Ben… ça me semble plus juste…

Comme tout le monde, je devine bien qu’une expérience personnelle justifie probablement son intervention, mais je ne presse jamais les étudiants à confier leurs histoires personnelles s’ils n’en ont pas envie.

— Bon, vous êtes tous d’accord ?

Quand ce n’est pas une étudiante un peu plus âgée qui est déjà mère, une autre qui a eu l’occasion de garder ses neveux ou ses nièces, des voisins ou des voisines, se manifeste bientôt :

— J’ai déjà changé les couches du garçon de deux ans que je gardais et il avait souvent des érections.

L’étonnement anime déjà les regards de ceux qui, vraisemblablement, n’ont pas encore changé de couches.

— Et les fillettes, parviennent-elles à la lubrification également à deux ans ?

Puisque le phénomène est moins apparent, et qu’aucune étudiante ne souhaite révéler ses premières sensations, je laisse la question en suspens…

— Bon, on y reviendra. Et l’orgasme ? À partir de quel âge l’être humain est-il physiologiquement prêt à l’éprouver ?

Un étudiant réaffirme cette fois avec plus d’assurance que cela n’est possible qu’à la puberté.

— Et pourquoi es-tu si certain ?

— Les garçons n’éjaculent pas avant la puberté, il me semble.

— C’est vrai. Mais est-ce que l’orgasme et l’éjaculation sont un même phénomène ?

— Euh… Je ne sais pas ; ce n’est pas la même chose ?

J’explique brièvement que, même s’ils se produisent souvent simultanément, l’orgasme (que l’on définit comme un relâchement de tensions neuromusculaires et d’ordinaire extrêmement agréable) peut aussi être éprouvé sans éjaculation (émission de sperme). Des hommes, par exemple, parviennent à retenir leur éjaculation tout en éprouvant un ou plusieurs orgasmes…

Une étudiante se décide tout à coup à prendre la parole…

— Moi je dirais que c’est à peu près vers un an.

La surprise se lit maintenant sur tous les visages, de même que l’expectative : tous attendent son explication. L’étudiante connaissait une petite fille d’un an, nous disait-elle, la fille d’une de ses amies, qui se masturbait en se tortillant sur sa chaise d’enfant. Elle devenait alors toute rouge, elle couinait un peu, puis s’endormait. Ce à quoi ses parents s’étaient vraisemblablement habitués. Et de poursuivre :

— Un jour, j’étais dans un resto avec les parents et leur fille qui, encore une fois, avait commencé à gigoter sur la chaise ; la serveuse, qui passait tout près, s’est arrêtée pour s’adresser au père : ‘‘Je crois que votre fille est en train de s’étouffer.’’ Et le père de répondre : ‘‘Non, non, elle est seulement en train de venir !’’»

Rigolade générale.

Mais serait-ce là un cas singulier ? Si l’on s’en remet à Havelock Ellis, auteur d’une remarquable encyclopédie de la sexualité au tournant du vingtième siècle, les petites filles d’aujourd’hui ne sont pas les seules à avoir su profiter de leur chaise d’enfant : « West, en décrivant la masturbation chez une fille de six à neuf mois, qui se frottait les cuisses, dit que quand elle était dans sa grande chaise, elle en prenait les bras, se raidissait et regardait, en se frottant les cuisses fortement plusieurs fois, droit devant elle, puis revenait à elle, fatiguée, déprimée et en sueur ; ces symptômes duraient une ou deux minutes et avaient été considérés comme des symptômes d’accès épileptiques. » Ellis souligne encore que des fillettes de la même époque avaient découvert d’autres techniques tout aussi efficaces : « Townsend relate le cas [en 1896] d’une petite fille de huit mois qui croisait sa cuisse droite sur la gauche, fermait les yeux et serrait les poings ; après une ou deux minutes, tous les membres se détendaient, le corps entrait en sueur et le visage devenait rouge ; ceci se produisait une fois par semaine ou plus ; l’enfant était très bien portante et avait des organes génitaux normaux. » Ellis fait état de cinq cas similaires.