Extrait de l'ouvrage : Le Dieu inconscient. Psychothérapie et religion

“ Ce dont l’analyse existentielle me rend conscient, 
ce n’est pas de quelque chose de pulsionnel, ce n’est pas d’un « ça » mais c’est du moi que je suis ”

Extraits du chapitre 1 : Qu’est-ce que l’analyse existentielle ?

Arthur Schnitzler [écrivain et dramaturge autrichien (1862-1931), contemporain de Freud (NDT)] aurait dit un jour qu’il n’y a, somme toute, que trois vertus : l’objectivité, le courage et le sentiment de responsabilité. Présentons sous le signe de l’une ou l’autre de ces vertus les orientations de la psychothérapie développée à Vienne. La chose ne manque pas d’intérêt. À cet égard la psychologie individuelle d’Alfred Adler [médecin et psychologue autrichien (1870-1937), fondateur de la psychologie individuelle (NDT)] se range de toute évidence sous le signe du courage.

Toute sa démarche thérapeutique, en effet, se présente finalement comme un encouragement à surmonter le complexe d’infériorité qu’elle tient pour déterminant, voire en dernière analyse pour pathogène.

La psychanalyse ressortit de même à l’une des vertus évoquées, en l’espèce l’objectivité. Telle est bien la vertu que dut posséder Freud, regardant bien en face, tel Œdipe, le Sphinx culturel, pour lui arracher son secret, au risque de percevoir une réalité pénible et affligeante.

Ce qu’il osa faire à son époque était inouï. La psychologie, jusqu’alors, et singu­lièrement la psychologie officiellement enseignée, avait prudemment laissé de côté ce qu’il a mis au centre de son enseignement.

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Il fit comme l’anatomiste Julius Tandler [médecin et homme politique autrichien (1869-1936), connu pour avoir été un partisan de l’euthanasie et d’une politique hygiéniste préconisant l’élimination des « bouches inutiles », doctrine à laquelle s’oppose Frankl (NDT)], qui caractérise plaisamment la somatologie, telle qu’on l’enseignait dans les lycées, comme « une anatomie coupée des organes génitaux ». Freud a pu affirmer de même que la psychologie universitaire était une psychologie sans libido.

Mais la psychanalyse n’a pas seulement cultivé l’objectivité, elle en a aussi été victime. Cette objectivité a conduit en fin de compte à tout ériger en objet, à traiter comme un objet ce que nous appelons une personne. La psychanalyse considère le patient comme une entité régie par des mécanismes, et le médecin, dans cette perspective, est celui qui s’entend à manier ces mécanismes, qui possède la technique permettant de remettre en ordre ces mécanismes quand ils sont détraqués. Quel cynisme, derrière cette conception de la psychothérapie comprise comme une psycho-technique !