Extrait de l'ouvrage : «Le Parcours du combattant du dyslexique - Le témoignage d'une mère médecin scolaire»

« Il est important que les dyslexiques soient considérés par leurs parents comme des enfants et non pas comme des élèves devant coûte que coûte apprendre à déchiffrer et à orthographier. »

CHAPITRE II : L’ENTRÉE À L’ÉCOLE PRIMAIRE

Courant mai 1996, je parcours un article sur l’ERTL4. Cette Épreuve de Repérage des Troubles du Langage – que l’on fait passer normalement à 4 ans – peut être utilisée en moyenne section lors du bilan médical du médecin de la PMI (Prévention Maternelle Infantile). Je suis dans un jardin public. Je m’en souviendrai toute ma vie. Je décide de faire répéter les prénoms des petits Indiens du test, un par un, à Élie et à sa sœur : « Yérois, Otrudiré, Menulivoux… » Je m’aperçois qu’à 7 ans et 4 mois, Élie a des difficultés à répéter les prénoms les plus longs. Il a également du mal à mémoriser une phrase de l’épreuve. Sa sœur qui a deux ans de moins s’en sort mieux que lui. Rien de tel qu’un test comparatif pour dépasser les impressions. C’est pour moi le déclic… et une grande inquiétude.

Nous prenons alors rendez-vous chez une orthophoniste qui a bonne réputation. Elle exerce dans une petite ville à quelques kilomètres de chez nous. Elle ne me donne pas de compte-rendu écrit et une fois de plus nous ne pensons pas à lui en demander un. Par contre, contrairement au premier orthophoniste, elle m’explique longuement comment s’est passé le bilan de notre fils. Élie lui a dit qu’il voulait rester petit et qu’il n’aime pas l’école, même s’il dit avoir plaisir à y retrouver ses copains. En écrivant cela, des années après, la tristesse me prend car cet aveu contient tout. Notre enfant plein de vie n’est-il pas en train de s’étioler et de déprimer ? L’orthophoniste ajoute qu’à l’école il lui est demandé trop d’efforts et qu’il se décourage. Il gaspille son énergie pour essayer de lire. Il lui a dit vouloir être un lion pour crier et se reposer sans qu’on l’ennuie. Est-il embêté par d’autres élèves ? Ne lui avons-nous pas déjà trop mis la pression, avec pourtant la meilleure bonne volonté du monde ? Il ne sait pas ce qu’il voudrait faire comme métier. Ceci indiquerait, selon elle, un refus de se projeter dans l’avenir. Peu après, je poserai à nouveau cette question à Élie. Il ne semblera pas avoir d’idée dans un premier temps. Puis il me dira avec son humour habituel : « Gardien de souris ... comme ça, quand Mamie viendra, elles lui feront peur ! » Il est vrai qu’à la réflexion, ce métier ne nécessite pas de savoir lire.

Mais revenons au compte-rendu oral que me fait cette professionnelle. Selon elle, il faut que notre fils soit valorisé, qu’il ait de nouveau du plaisir à apprendre à lire, qu’on lui donne de la tranquillité. Effectivement, petit à petit, au fil du CP, Élie s’est mis à refuser de prendre un livre, alors qu’il regardait auparavant avec bonheur les ouvrages illustrés ou les BD.

L’orthophoniste reste d’abord assez floue sur l’origine du trouble. Selon elle, Élie confond encore assez souvent la droite et la gauche. Il présente une latéralité croisée. Pour les activités courantes et pour écrire, il se sert de sa main gauche. Il utilise également son pied gauche pour tirer au football. Mais son œil directeur – celui avec lequel il regarde à travers un petit trou dans une feuille – est le droit. Il a également des difficultés à mémoriser puis reproduire des signes orientés différemment. On prend par exemple trois signes tels que « – U / » ou « C \ C ». L’enfant doit les regarder rapidement ; puis on les cache et il doit les représenter. Élie a aussi du mal à répéter un non-mot de plus de quatre syllabes (on se rappelle sa difficulté à redire les prénoms des petits Indiens) et une phrase de plus de douze syllabes. La professionnelle fait allusion également à des difficultés de perception auditive. Notre garçon a une bonne audition mais il décrypte mal les sons (comme s’il entendait mal) et ne perçoit pas bien les rimes. Il fait des confusions dites auditives entre des sons proches, notamment entre les consonnes sourdes et sonores (f/v, ch/j, c/g, p/b…). Elle évoque également des confusions visuelles b/d et m/n en lecture. D’après elle, Élie est en tout début de combinatoire et sa lecture est complètement hachée.