Chapitre 2 (extrait)
Pourquoi ne pas rire de ce qui nous fait peur ? L’humour, une stratégie efficace pour communiquer en santé publique
1. Pourquoi l’humour pourrait-il être approprié pour communiquer en santé ?
Les connaissances relatives aux effets de l’humour sur l’individu (...) nous invitent à
considérer l’humour comme une stratégie de communication efficace en santé publique. L’intérêt d’orienter les messages sanitaires vers des émotions positives apparaît assez clairement à travers les résultats de trois études récentes que nous avons choisi de présenter ci-après. Les deux premières témoignent de l’efficacité de cette stratégie de communication lorsqu’il s’agit de sensibiliser les jeunes à la question de la consommation excessive d’alcool et/ou de prévenir l’apparition de ce type de comportement à risque (Carrera, Muñoz & Caballero, 2010 ; Lee, 2010). La troisième étude (Blanc & Brigaud, 2013) montre que la tonalité humoristique des messages de prévention, quel que soit le thème de santé évoqué (i. e., consommation excessive d’alcool, tabagisme, obésité), favorise non seulement leur mémorisation à long terme, mais également une évaluation positive de ces messages qui sont jugés comme étant les plus convaincants.
2. 1. Les émotions positives : une alternative aux messages négatifs
Nous l’avons déjà évoqué, les émotions négatives suscitées par certains messages de santé peuvent conduire les individus à réagir de manière défensive, en développant des stratégies cognitives pour se protéger de ces émotions déplaisantes.
Ces stratégies dites de coping conduisent inévitablement à l’échec des messages véhiculés. Agrawal et Duhachek (2010) montrent ainsi que la honte et la culpabilité ressenties à la suite de la lecture de messages visant à lutter contre la consommation excessive d’alcool déclenchent des réactions de défense qui conduisent à un renforcement du comportement incriminé. Pour déjouer les effets contre-productifs résultant d’un état émotionnel négatif, Carrera et ses collègues (...) ont proposé d’induire des émotions positives chez les individus confrontés à des messages de santé anxiogènes. L’objectif de leurs travaux consistait donc à comparer l’efficacité de messages faisant exclusivement appel à la peur (émotion négative) à celle de messages « mixtes » véhiculant une émotion négative (la peur) puis une émotion positive (la joie). Dans une étude consacrée à la consommation excessive d’alcool chez les jeunes (Carrera, Muñoz & Caballero, 2010 – étude 1), les participants étaient confrontés à un scénario dans lequel le personnage central tombait dans le coma après avoir consommé de l’alcool de manière abusive.
Ce type de message, fréquemment utilisé dans les campagnes anti-alcool, présentait les conséquences dramatiques pour la santé (coma éthylique) d’un comportement à risque (la consommation excessive d’alcool). La lecture de ce message négatif était donc susceptible d’induire une émotion de même valence chez les participants. Dans la version « mixte » de ce message, les auteurs ajoutaient simplement une « happy end » au scénario, et ce, afin de modifier l’état émotionnel des participants. Ce message mixte devait donc susciter de la joie et supplanter la peur initialement ressentie à la lecture du message menaçant. Précisons que plusieurs résultats montrent effectivement que, lorsqu’une première émotion est suivie d’une émotion de même intensité mais de valence opposée, la seconde l’emporte sur la première et détermine l’état émotionnel de l’individu (...).