Face au christianisme

La tradition humaniste des philosophes gréco-latins a-t-elle été étouffée par le christianisme ?

Les traditions gréco-latines avaient pour souci d’atteindre à une forme de bien-être sur Terre, ou de non-souffrance. Le christianisme a-t-il écarté cette possibilité ?

Tout dépend du point de vue. Aucun chrétien, ni avant ni aujourd’hui, ne vous dira que sa religion ne vise pas le bonheur. Toute la question est de savoir quelle définition on donne du bonheur. Pour l’humanisme contemporain, le bonheur se vit dans ce monde. Et il en allait de même pour les écoles philosophiques antiques. Quelles que soient leurs divergences, personne ne croyait en l’existence d’un au-delà dans lequel nous serions appelés à vivre, avec notre individualité, pour l’éternité. En revanche, ce qu’introduisirent les chrétiens – on le voit par exemple dans le célèbre Discours aux adolescents de Basile de Césarée – c’est l’idée que le seul monde qui compte, c’est le monde d’après, où nous vivrons pour l’éternité. Pour y être heureux et non damnés, il faut le mériter. Et pour le mériter, il faut souffrir. Pourquoi faut-il souffrir ? Parce que nous sommes pécheurs. Donc, bien sûr, on peut dire que le christianisme est une religion doloriste. Mais le paradoxe de cette religion doloriste, c’est qu’elle promeut la souffrance au nom d’un bonheur à venir.

Le philosophe épicurien Celse reprochait aux chrétiens leur anthropocentrisme excessif. Mais n’est-ce pas un trait central de l’humanisme ?

En effet, pour l’humanisme moderne, l’homme n’est pas un vivant comme les autres. Il a une dignité qui le place au-dessus des autres animaux. Et il est vrai qu’on trouve aussi cette idée dans le christianisme, tout comme dans la philosophie antique, par exemple dans le stoïcisme. Mais vous allez voir la différence avec l’humanisme au sens moderne du terme.