Dans les années 1920, tous les chemins mènent à Vienne... mais peu de Français les empruntent. L'Europe et les Etats-Unis sont devenus freudiens. Pourtant, l'Hexagone résiste encore et toujours à l'envahisseur, celui qui a le tort d'être juif peut-être, « boche » certainement. Peu traduit, dénigré, accusé de piller les gloires de la psychologie nationale comme Pierre Janet, Sigmund Freud se fraie surtout un chemin chez une poignée d'intellectuels, qui correspondent avec lui puis, dès que possible, le rencontrent en chair et en os. Or, le fondateur de la psychanalyse n'a pas le coeur à recevoir. Fatigué, handicapé par les difficultés d'élocution que cause sa maladie, il n'y consent que dans l'espoir d'accélérer la traduction et la propagation de ses livres, tout en veillant au respect de ses théories. Ses visiteurs français, ou suisses francophones, empruntent divers réseaux pour venir jusqu'à lui : Stefan Zweig, viennois, sert de cheval de Troie à Romain Rolland et Jules Romains, tandis que Théodore Flournoy, qui enseigne la psychologie à l'université de Genève, répond des Suisses, et que d'autres procèdent de fil en aiguille (René Laforgue recommande Marie Bonaparte qui recommande Sacha Nacht...).
Marc Olano