Gaston Bachelard (1884-1962) Alexandre Koyré (1892-1964) La science a une histoire

Grâce à leur mise en perspective historique, Bachelard et Koyré ont pu révolutionner la philosophie des sciences. Loin d’être une et continue, la science évolue et passe d’un mode de pensée à un autre.

La science se veut universelle. La philosophie des sciences ne l’est pas. À partir des années 1920, le philosophe français Gaston Bachelard joua ainsi un rôle déterminant dans l’affirmation d’une manière bien française de pratiquer la philosophie des sciences. À la différence du positivisme logique, en plein essor à l’époque en Autriche, en Allemagne et dans les pays anglophones, il adopta une approche fondamentalement historique de la science, estimant que cette dernière n’était pas réductible à une analyse formelle, que ce soit au niveau de la méthode ou du contenu. Il s’opposa également à l’effort des positivistes logiques de reconstruire la science à partir des données sensorielles, considérant au contraire qu’une expérience n’acquiert une signification que dans un cadre théorique donné. À la même époque, cette valorisation de l’approche historique de la science trouva un soutien majeur dans les travaux de l’historien français d’origine russe Alexandre Koyré. Là où Bachelard développait une philosophie historique des sciences, Koyré développa une histoire philosophique des sciences, au sens où il éclaira l’histoire des sciences par ses soubassements philosophiques. Au-delà des débats propres à la philosophie des sciences, Bachelard et Koyré furent en butte au courant existentialiste qui domina la scène philosophique française dans les années 1950. L’existentialisme était une philosophie du sujet stipulant que la vérité ultime était à chercher dans l’expérience vécue. Or, pour les deux philosophes, l’expérience première devait être corrigée par la réflexion rationnelle, non pas une rationalité atemporelle, mais une rationalité qui évoluait en accord avec le développement scientifique. Du coup, la science n’était pas, selon eux, une connaissance seconde, comme l’existentialisme le prétendait, mais la connaissance par excellence.