Avec Conditions et genres de vie paru en 2002 chez L'Harmattan, Didier Le Gall et Salvador Juan posaient la première pierre d'un programme destiné à fournir un matériau ethnographique original, donnant à voir la France contemporaine autrement que par le biais des habituelles statistiques de l'Insee. Fruit de la collaboration d'une vingtaine de chercheurs, cette seconde livraison tient les promesses faites par le premier volume. Poursuivant l'ambition d'appréhender les mondes sociaux à partir des expériences et des discours de leurs habitants, ce livre rassemble 19 mémoires originaux ordonnés en 4 grandes parties consacrées, respectivement, aux conditions de vie (des gendarmes, des alpinistes, des handicapés...), à certains moments clefs des parcours de vie (la sexualité adolescente, la grossesse...), aux sociabilités familiales (ordinateur et relations familiales, rôle du jouet, discours parental...) et, enfin, à l'intimité (usage de la lingerie, consultation gynécologique, violence conjugale...).
Résumer un tel ensemble est impossible puisque, précisément, cette entreprise collective a pour mission de faire pénétrer le lecteur au cœur de ces divers segments de la vie quotidienne des Français, objet paradoxalement si mal connu des sociologues. Il faut donc lire chacune de ces contributions comme une plongée ethnographique dont l'on ressort à chaque fois instruit par les expériences qui nous sont contées. Parmi les informations que l'on pourra quêter, notons par exemple le rôle déterminant de la trajectoire sociale descendante des parents et grands- parents des compagnons d'Emmaüs pour expliquer l'engagement de ces derniers, la croissance de la participation masculine au suivi médical de la grossesse (pièce importante aujourd'hui dans la construction du sentiment de paternité), l'usage ritualisé mais ô combien fonctionnel du téléphone comme support des relations familiales et de parenté... Le lecteur de ces chroniques ne s'ennuie pas un instant, et sort convaincu que la sociologie peut aussi, quand elle veut, se débarrasser des démons de l'abstraction pour s'affirmer pleinement une science de l'homme, ou plutôt de l'action et de la vie des gens au quotidien.