Gens de parole. Langage, poésie et politique en pays touareg

Dominique Casajus, La Découverte, 2000, 188 p., 120 F.

A travers ce recueil sur le « bien parler » des Touareg, Dominique Casajus réalise ce que peu d'ethnologues parviennent à faire : donner à comprendre par la description et le document, sans appareil théorique visible. Vingt-cinq années de fréquentation lui ont enseigné à quel point le maniement de la langue et l'art du discours ont, dans le monde encore très distinct des Touareg, une valeur omniprésente. La décence, le rang social et même la « targuité » sont mesurés ainsi : parler quand il faut et comme il faut.

L'usage d'une langue correcte, l'appel aux métaphores, aux sentences voilées et distantes, sont en rapport direct avec l'évitement de l'offense et du compliment excessif, ce qui revient au même. Autre registre, mais même ethos : l'art poétique touareg, dont la richesse étonne, est un art noble presque entièrement consacré à l'amour et à la guerre. Là encore, c'est au moyen de la distance langagière que les foudres pudibondes de l'islam se trouvent évitées. En tirant le même fil de l'art langagier et poétique touareg, D. Casajus parvient en huit essais à présenter l'univers des valeurs touareg : retenue, noblesse, civilité guerrière et adhésion à l'islam. Il montre aussi comment ces valeurs se sont frottées à l'histoire. Comment les Touareg se sont soumis à la foi de l'islam, mais non à son pouvoir. Comment leurs divisions internes ont fait le jeu du colonisateur. Et comment aujourd'hui, autour de cette constellations de langues peu écrites, se cristallise à nouveau un sentiment commun.